<06|03|2022> Put me in a coma

Arabrot/ Norwegian Gothic/Pelagic records 2021 :
Cette rubrique aurait pu débuté par quelques mots d’amour pour Quicksand ou pire pour Failure mais déjà à l’époque de leurs grandes heures, ces deux groupes me faisaient royalement mourir d’ennui. Le rock FM et ces mélodies de chant insupportables ne passeront jamais. Par contre, je me sens plus apte à parler d’Arabot. Des années et des années qu’ils sont suivis, quasi tous leurs disques (et ils sont nombreux) chroniqués (et appréciés) mais le neuvième, Norwegian Gothic, c’est plus que de la déception, c’est de la consternation. Le précédent album Who Do You Love avait préparé le terrain mais pas à cette catastrophe. Impossible de reprocher à un groupe de vouloir évoluer (au contraire) et Arabrot n’a eu cesse de transformer son hardcore-noise-metal qui était déjà déviant à la base vers une entité beaucoup plus vaste, hybride, singulière. Mais cette fois-ci, Kjetil Nernes et sa femme Karin Park se sont totalement gaufrés. Une ambition artistique qui se prend les pieds dans le tapis de la prétention, des mélodies ampoulées voir grandiloquentes (comment ne pas rire (jaune) sur les refrains affligeants de The Lies, Feel On It, The Rule Of Silence, etc. la liste est aussi longue que cet album frôlant les soixante minutes), des arrangements et une riche instrumentation ne servant qu’à cacher une inspiration désespérément en berne et des compos, à part quelques rares passages, vides de substance sous des airs vaniteux, une production lénifiante et en règle général, du mauvais goût en pagaille. Je vais arrêter là le massacre. Je n’aurais jamais pensé écrire ça sur Arabot mais le groupe norvégien a pondu un bon gros tas pompeux et indigeste.
Bambara/Love On My Mind/Wharf Cat records 2022 :
Autre crève-cœur, en mode déçu d’être déçu, le nouveau mini-album de Bambara. La pochette annonçait déjà un mauvais présage. Le beau gosse Reid Bateh en devanture dans ses plus beaux apparats, faut bien attirer la clientèle (je suis très négatif comme garçon) sauf que quand je vois cette photo, j’arrête pas de penser à une tête de cocker se présentant à un concours canin. Nan franchement, on partait pas du bon pied et les six titres ne font que renforcer ce sale pré-sentiment. La frontière entre le précédent Stray et Love On My Mind n’est pas énorme mais ça fait toute la différence. C’est pas qu’il soit foncièrement mauvais ce disque, il comporte même des passages pas désagréables mais il a franchi la ligne jaune, est retombé du mauvais coté. Production trop fignolée, arrangements plus nombreux, riches et scintillants, mélodies plus radieuses et apaisées, les funestes balades poignantes qui savaient secouer le cocotier ont pris le chemin de gentilles mélopées rassurantes au parfum guimauve. J’exagère mais vous voyez le genre. Le noir qui leur allait si bien a pris des couleurs. L’intensité est parti faire un tour ailleurs et les deux titres avec des invités féminines au chant trop sucré n’aident pas à enlever l’idée que ce disque tend un peu trop vers la séduction et le consensus. C’est fait avec élégance et savoir-faire mais je ne m’y retrouve pas. Bambara est parti explorer d’autres territoires et Love On My Mind marque la fin d’une histoire d’amour qui finit mal. Comme toujours.
Exek/Good Thing They Ripped Us The Carpet/Lulus Sonic Disc Club records 2021 :
Exek file également un très mauvais coton. Ce qui n’est nullement une surprise au regard du précédent Some Beautiful Species Left dont l’accueil fût mitigé. On écoute Good Thing They Ripped Us The Carpet comme on regarde une vieille photo jaunie. Le post-punk du groupe australien est devenu tout pâlot (le stade juste avant transparent), souffreteux, inoffensif. La basse dub indique un électrocardiogramme de plus en plus plat, Exek s’enfonçant dans les limbes d’un space-(kraut)rock évanescent, mollement hypnotique, insaisissable au mieux, mièvre au pire. Et pour le même prix, vous pouvez aussi vous épargner l’écoute de Advertise Here, le tout nouvel album sur Castle Face records. Exek semble pourtant retrouver un semblant de vigueur mais ça reste laborieux. Je crois surtout que le lien avec ce groupe est brisé et que leurs ritournelles volatiles m’indiffèrent.
My Disco/Alter Schwede/Heavy Machinery records 2021 :
La théorie en prend un coup. Celle qui veut que My Disco réussisse un disque sur deux. Le précédent Environnment n’étant pas un franc triomphe, on était en droit d’attendre un septième album aux allures de tête de gagnant. Hélas, le plus allemand des groupes Australiens creuse encore plus profondément son trou dans la musique concrète/électronique/industrielle et est parti explorer les fonds sous-marins et ses ténébreuses étendues mystérieuses. L’angoisse absolue. Que le trio y reste.
Black Country, New Road/Ants from up there/Ninja Tune records 2022 :
La lune de miel n’aura pas duré longtemps. Ce n’est pas que le second album des jeunes Anglais soit mauvais ou que les sept musiciens soient devenus soudainement inaptes (ce qui est cependant à moitié vrai pour le chanteur Isaac Wood qui a quitté le groupe quatre jours après la sortie de l’album pour dépression), c’est qu’il est juste agréable, gentiment agréable, dépourvu de la tension qui habitait For The First Time, sans véritable allant, encore plus orchestré, joli, chatoyant, chanté et au final assez monotone et insipide. Bref, je m’y emmerde ferme. Un second album raté et un futur bien incertain.
The Breakbeast/Monkey Riding God/Overdrive records 2021 :
Si jazz-funk, hip hop et fusion (même à l’écrire, j’ai un mal de chien avec ce dernier terme) sont indispensables à ta survie (l’incontinence aurait été préférable), The Breakbeast, trio italien avec deux membres de Ulan Bator vont vite devenir ta passion (faut vraiment être taré). Et encore, on ne vous dit pas tout, il existe encore bien d’autres horreurs sur ce disque. Pourquoi m’infliger ça ?

Paolo F. Bragaglia & Ganzfeld Frequency Test/The Man From The Lab/Minus Habens records 2021 :
Je suis confus. Je lis à l’instant sur le bandcamp de ce compositeur italien que ce digipack finement élaboré est une édition ultra limitée à 20 exemplaires. Et qu’elle est bien sûr déjà épuisée. J’offre donc mon exemplaire gracieusement envoyé (et je me demande bien pourquoi) à qui veut, je ne voudrais priver personne de cette musique électro-synthétique un peu cold parce que franchement, c’est donné de la confiture aux cochons.
Isambard Khroustaliov/Shanzhai Acid/Not Applicable records 2022 :
Dans la série, j’envoie de la promo au hasard à n’importe qui, Not Applicable, label de Londres. Sûrement une pointure dans le domaine de la musique électronique (pour faire large) avec plein d’artistes géniaux comme ce Isambard Khroustaliov mais là, je préfère encore écouter le My Disco dont on causait quelques lignes plus haut, ça sonne presque pop à coté de ce Shanzhai Acid imbitable. Cadeau bonus avec le Paolo Bragaglia, c’est offert de bon cœur.
Syd Kult/Damnatio Memoriae/M.A.D., Pias 2021 :
Le rock comme on l’aime. Héroïque, grandiloquent, qui sent bon le hard-rock et le solo de guitare étourdissant, le progressif avec un doigt d’imagerie gothique, chant maniéré, production ultra léchée, mélancolie de papier glacé, un romantisme très chic et aussi sombre que l’ombre d’une truelle. Le rock en France n’a plus qu’à bien se tenir !

Kilkil/Clermont-Ferrand/Maudit Tangue, Rockerill 2021 :
Synth-punk en provenance de l’île de La Réunion ou panique sous les tropiques. Basse, batterie électronique, synthé, saxo et chant féminin avec des backing vocals masculins. Ça pulse nerveusement, ça ondule froidement, le beat est rigide et rustique, le pas de danse est agressif, les bruits du synthé tournoient comme des moustiques psychotiques et les mots qui sortent ne sentent pas le soleil, tout comme le saxo pas là pour faire le beau. Alors, qu’est ce qui cloche ? Rien. Kilkil arrive à faire croire que Saint-Denis est à Berlin, que les années 80 c’est demain et avec ce superbe artwork de Conrad Botes, t’as pas envie de faire le malin. Alors je le fais pas. Achtung bicyclette.
Anthony Béard/Les Contes de Nulle Part/Dur et Doux records 2021 :
Quand j’entends les noms de Ni et Piniol, je commence à affûter les lames. Mais quand Anthony Béard s’échappe en solo de ses projets sponsorisés par Aspirine, tu peux rengainer. La douce quiétude te recouvre de son large manteau protecteur. Quatre pièces instrumentales traçant de belles volutes acoustiques et classiques d’une guitare aussi enlevée que reposante, délicate, poétique pour une errance onirique. Les Contes de Nulle Part, une tisane et au lit.
Frise Lumière/Bisou Genou/Tapenade records 2021 :
De la basse et rien que de la basse. Le reste, c’est de la triche. Frise Lumière est Ludovic Gerst. Épuration musicale à son max. Basse frappée, rythmique, mélodique, superposée. L’austérité, la rugosité se dégageant des neuf compos de Bisou Genou est d’abord assez absorbante, l’inventivité et le climat sombrement et âprement poétique qui vont avec aussi. Sur la longueur, cette même austérité et l’effet très répétitif de certains morceaux finissent par vous rattraper et user la corde qui s’avère tendue dès le début mais franchement, vous avez matière à être interpeller et l’expérience vaut le déplacement.
Parpaing Papier/Croire au Printemps/ ? 2021 :
J’aime être précis et mettre le nom du ou des labels qui prennent la peine de publier des disques mais là, au dos de la pochette, j’ai pas compris. Je vois sur la même ligne et dans la même taille de caractères : Sacem, un logo que je ne distingue pas, Inouïes Distribution, un grand W, Master Lab, Marshall, Zildjian, Shure et Dunlop. Et à l’intérieur du livret, vous avez Le Garage Hermétique, Wave et Wood, Vue DC, Isocom, Algam Webstore et deux, trois autres dont le logo rete un mystère. Prochain morceau après une page de pub. Ou non parce qu’en fait, je voulais tout faire et surtout diversion pour ne pas devoir parler de la musique de Parpaing Papier. Croyez moi sur parole, vous ne perdez vraiment mais alors vraiment rien du tout à pas écouter ça.
Gummi/self-titled/Coax records 2021 :
Gummi, c’est une patte sonore malaxée par un trio détenant violon (Michael Nick), guitare (Simon Henocq) et trompette (Nicolas Souchal). Ça ne s’étale pas facilement (c’est le moins que l’on puisse dire), le terrain est hostile, le brouillard est épais, les aspérités sont légion et quand on pense trouver un brin de repos pour les tympans, c’est pour mieux replonger dans une freeture noise informe qui rappelle que la tectonique des plaques, ce n’est pas une danse mais que d’obscures forces s’agitent en coulisse.
La Peuge En Mai/Coax records 2021 :
La Peuge En Mai, c’est l’écho des luttes ouvrières, de tous temps, de n’importe quel endroit. La petite histoire dans la grande et c’est Geoffroy Gesser qui met en scène et en musique la sienne, celle de ses grands-parents et des ouvriers du centre Peugeot à Montbéliard en mai 68. Une série d’entretiens avec des acteurs de cette époque, la réalisatrice radio Cécile Laffon pour monter les voix dans lesquelles va s’insinuer une musique improvisée d’obédience free-jazz par six musiciens (cuivres, contrebasse, violon, batterie, électronique) pour un rendu live dont ce disque est le quatrième concert enregistré le 31 janvier 2020 à Pantin. Mais ce qui compte vraiment ici et se révèle le plus touchant, c’est pas la musique, ce sont les témoignages, ces voix marquées par les rides racontant ces bouts d’histoires amochées qui elles n’ont finalement (et hélas) pas pris une ride. La lutte continue.
Vloute Panthère/Édredon Sensible/Les Productions du Vendredi 2021 :
Vloute Panthère, un nom qui sent la mauvaise blague et la musique tuyau de poêle. Et si on ne peut nier un certain esprit festif avec notamment un premier morceau dont le titre n’inspire toujours pas confiance (FRCX Prout) qui part dans des embardées batucada en pleine fête de la musique, la suite va se révéler plus intéressante. Un groupe toulousain avec deux batteurs/percussionnistes et deux saxophonistes (baryton et alto) qui cherchent surtout la transe avec des envolées free-jazz pleine d’allant, de générosité, ne se vautrant pas dans la bamboche mais offrant de solides joutes rythmiques et des saxos rutilants avec ce qu’il faut de gravité, de profondeur pour que la sauce prenne. Vloute Panthère était parti pour marcher sur des œufs mais ne s’est pas pris les pieds dans le tapis. À découvrir.
Mark Wagner/Son Rise/Son Of The Sun/Adaadat, Zamzamrec 2022 :
Son Rise/Son Of The Sun est le nouvel album de Mark Wagner, une fable hermétique basée sur le Grand Œuvre de l'Alchimie. Voilà le genre de truc qu’on peut lire en guise de présentation de cet album publié notamment par Zamzamrec qui est aussi le label de Rien, Virgule. Suit toute une explication sur la philosophie d’Hermès, la création métaphysique du monde, la thérapie de régression dans les vies antérieures, tout un charabia m’échappant totalement et qui fait craindre le pire. Le pire on y échappe de peu mais hermétique à cette musique, je suis pas loin de l’être. Six pièces musicales avec le piano en instrument central, le chant de Mark Wagner, un habillage électronique autour, le violon d’Agathe Max sur deux morceaux, le chant de Hannah White sur Rubedo et beaucoup (trop) d’ondes mystiques avec des titres comme Je Nais Dieu Que Pour Toi (vous voyez le topo) et de coulis spirituel. Ça vole trop haut et je m’écrase.
 
  Horse Temple/Arh Abrabh/Zero Égal Petit Intérieur 2021 :
Mule Jenny/All These Songs Of Love And Death/Grabuge, Araki, Figures Libres records 2021 :
Jean-Pierre Marsal/Distance/202 Prod. 2022 :
Finissons-en avec trois artistes seuls face à leurs chimères et leurs démons. Des musiciens dont les projets précédents n’avaient pas laissé de marbre contrairement à ce qu’ils proposent aujourd’hui. J’aimerais mais je ne peux point. On ne va pas s’inventer d’excuses. Et ça ne serait pas rendre service. Que ce soit Guillaume Collet (Rome Buyce Night, Dernière Transmission) avec son psychédéliquement et shamaniquement blues Horse Temple, Étienne Gaillochet (Zarboth, We Insist!) avec Mule Jenny (devenu depuis un trio) et son (indie) rock hybride ou Jean-Pierre Marsal (202project) en mode guitare acoustique et chant en français. Pour le coup, ça me donne envie d’écouter son éphémère groupe 202 Morningside (avec Eugene ‘Oxbow’ Robinson) et vaciller sur Stalingrad parce qu'il ne reste plus que ça, danser sur des décombres.


Tête de Gondole (06/03/2022)

 

> Parce que.