<22|01|2018> N'en jetez plus

J'adore Alex Buess, le mec derrière le mythique groupe 16-17. Hélas, ce n'est pas un disque de lui. Il a enregistré, mixé et masterisé l'album Seek de Maurizio Grandinetti (United Phoenix records 2016) qui a écrit sept pièces pour guitare électrique interprétées par, entre autres, Elliott Sharp et Domenico Caliri. Mon prof de physique au collège aurait adoré. Il s'est suicidé récemment.




Un jour, j'ai rêvé que j'arrêtais de boire et ma vie ressemblait à un disque de Microdeform (Neural Regression sur Aphelion Editions 2017). J'ai repris un verre dès le petit déjeuner.








Quand des productions du label Circum-Discs débarquent dans la boite aux lettres, je sais qu'ensuite, j'aurais envie de regarder un film de Claude Lelouch et que jamais Claire Chazal n'aura paru aussi douce. Sur les guitares, Ivann Cruz en connaît sûrement un rayon et son album Lignes De Fuite te fait passer pour un con. Et donne envie de brûler les écoles de musique. Même par écrit, j'ai rien compris aux explications. La singularité de sa recherche consiste à interroger les processus qui s’activent entre d’une part, un monde sonore composé dans l’instant et d’autre part, le geste instrumental et les contraintes du milieu où il se déploie. Je suis Claude Lelouch.

Ivann Cruz, il en est question également chez TOC qui a pris ses habitudes ici. En version électrique avec Haircut. En version acoustique avec Qeqertarsuatsiaat. Désormais en version cuivre avec trompette, trombone et différents saxophones pour donner naissance à Toc & The Compulsive Brass le temps d'un nouveau disque, Air Bump. Le trio Ternoy/Orins/Cruz est un trio mouvant jamais à court d'idées. Et à court d'énergie. Leur relecture d'un jazz de la Nouvelle Orléans confronté à leur jazz-core secoue les traditions et souffle sur les braises des convenances. De là à s'enflammer, il existe des tartines que je ne suis pas prêt à m'enfiler. Quatre titres copieux qui font passer par tous les états, des plus chaleureux aux plus ennuyeux.

Session jazz : Legacy Of Ashes (Creative Sources records) par le trio Nate Wooley, Daniele Martini et Joao Lobo, c'est trompette, saxophone et batterie, quand les paupières sont lourdes, l'haleine chargée et que tu es au bout de la nuit, seul comme un chien à crever.






Notilus / self-titled (Denovali records 2017) : Ces cinq mecs doivent être spécialisés dans le documentaire animalier. Ou ce sont des séminaristes de l'Eure et Loir à la retraite. Voir d'anciens profs de maths. Dans tous les cas, cette musique me fait peur.







Collapse / The Sleep In Me (self-released 2017) : En quatre ans, le groupe grenoblois n'a hélas pas oublié l'adresse de Perte & Fracas. Ni changer de style. Le précédent album The Fall avait été un long chemin de croix. The Sleep In Me est un vrai cauchemar. Ça doit être les fils de Notilus. Ces mecs ne vivent pas dans le même monde que le commun des mortels. On en serait presque admiratifs. Parce que non seulement Collapse évolue dans la sphère post-rock instrumental prog-seventies mais en plus Collapse le fait salement avec une production qui laisse pantois. Ignoble. Vraiment.

La dernière fois que Larsen a fait du bruit ici, c'était pour une collaboration avec Xiu Xiu. Cette fois-ci, le groupe italien est tout seul, l'album se nomme Of Grog Vim (Important records) et mon avis ressemble à celui d'un socialiste modéré : ni pour, ni contre, bien au contraire.






La théorie de l'évolution selon TwoMonkeys, c'est une utilisation acharnée des machines, synthétiseurs, ordinateurs, tout ce qui possède un fil à la patte, les trucs avec plein de boutons, potards, écrans, ce qui leur permet de faire tout et n'importe quoi. Surtout que TwoMonkeys ne rechigne pas aux vrais instruments de la vraie vie. Et comme si ça suffisait pas, le duo italien invite à tour de bras, notamment Amaury Cabuzat (Ulan Bator) pour être sûr de ne rien rater. L'album s'appelle Whatt ? (Villa records) et c'est exactement l'expression qui vient à l'esprit à l'écoute de cet album donnant envie de secouer vigoureusement l'arbre où est perché le groupe pour qu'il redescende un peu sur terre.

Glice / Cielo (Narrominded records 2017) : No Ego, just ears que le duo hollandais a marqué. Produit par Alexander Hacke (Einsturzende Neubauten), le duo Glice met effectivement les oreilles à rude épreuve. Quatre longs titres d'ambient-noise-industriel, d'électronique opaque, de grincements méphitiques, de grouillements charriant de noirs acouphènes, point de non-retour où l'humanité s'efface derrière une armée de machines où seul surnage de désuets violons derrière l’amas sur Jackdaw. Quand un des deux protagonistes de Glice étudie l'histoire des ondes sinusoïdales à l'Université de Cambridge, après avoir terminé sa thèse à Amsterdam sur l'importance du bruit dans l'enregistrement sonore, il faut s'attendre au pire.

Paprika / No Metal In This Battle (Don't Trust A Bear, Luik, A Tant Rêver du Roi records) : Idéal pour danser la zumba sinon, je vois pas à quoi ça sert.








NoHayBanda! / self-titled (Megasound, Stirpe999, Offset, Dischi Bervisti, En Veux-tu? En v'là records 2017). Attention, quota de duo electro-math-rock atteint. Duo italien sonnant comme la bande-son d'un jeu vidéo avec Super Mario sous ecstasy et privilégiant le synthétique comme mètre-étalon de la bienséance. Démission.





Bison Bisou / Bodysick (A Tant Rêver du Roi, Luik, Bagdaddy records 2017) : Pas mieux qu'en 2015. Par contre, le premier morceau qui s'appelle Regine et dure trente-deux secondes est excellent.







Costa Fatal / Ne Connait Pas Vos Amis (self-released 2017) : Duo marseillais basse-batterie fricotant dans le domaine du math-rock mais pas seulement. Pas pire qu'un autre, pas mieux non plus mais ce qui gâche la fête, c'est le chant, cette façon éthérée et agaçante de poser la voix en décalage avec la musique et les paroles en français. Le risque ne paye pas toujours.





Le math-rock de Ça navigue dans les eaux troubles de la pataphysique. Ça fait beaucoup de sciences. Et de prise de tête en perspective. Le trio originaire de Lyon a publié en 2017 Mon Tout petit Ça à moi S'est dévoilé Au grand jour Quand j'ai su le voir Sans lunettes (Vox Project, Atypeek, La Police Du Bon Goût records), soit sept titres qui durent des plombes, qui les pètent aussi, tour à tour éreintant et scintillant, Ça se discute ou se déguste, Ça se touche ou se dispute et comme leur précédent disque et comme disait Chirac, Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre ou Ça peut vous faire voir la vie autrement. Mais en règle générale, Ça va trop loin.


 

Le programme pour les vacances : soleil, piscine, gonzesses, garage-pop, psychédélisme bon teint, The Black Lips, Thee Oh Sees, boire, baiser, zoner. Si tel est votre programme préféré, vous coulerez des jours heureux avec les français de Titanic et leur 1er album Every Summer I Drift (A Tant Rêver du Roi, Abricot Chaud records). Sinon, vous pouvez reprendre une activité normale et trimer dur comme d'habitude, on ne vous en voudra pas non plus.

Le Skeleton Band / Tigre-Teigne (Head records 2017) : La maison montpelliéraine Head records nous a plus habitué aux saturations et ce qu'on appelle familièrement le gros son plutôt que des groupes avec banjo et mandoline dont les influences seraient Tom Waits. Le Skeleton Band est un drôle de zombie. Dont le bruit des os s'entrechoquant n'arrive que maintenant à nos oreilles alors que c'est leur 4ème album. Histoire d'univers et de réseaux différents. Et pourtant, Le Skeleton aurait de quoi plaire à plus d'une chapelle. Un tord-boyaux blues, punk et mélancolique avec de belles embardées poignantes donnant envie de se resservir un verre (Ci-gît La Haute Mer), des accroches plus gararge-rock qui pourraient allécher les fans de Movie Star Junkies, un goût pour des atmosphères réalistes sans que ça sonne alternatif franchouillard et des tonnes d'autres graines dans leurs soutes qui vont jusqu'à Motherhead Bug, c'est dire ! Embarquez avec Le Skeleton Band, ça vous changera les idées.

 

Gloom Sleeper / A Void (Per Koro, Contraszt records) : Une erreur d’appréciation. Tu crois te procurer un disque de post-punk allemand et tendu à la Diät et tu te retrouves avec un disque de new-wave d'un autre temps, trop sage, poli, chanté, mélodique. Ça commence à faire beaucoup malgré quelques passages qui se laissent écouter.

 

Heavy Metal / LP2 (Static Shock Music 2017) : Le deuxième album des Berlinois de Heavy Metal sous-titré Smash Criticism Smash Optimism Smash Arachnophobia. Pauvres bêtes. Ça sent le groupe qui ne se prend pas au sérieux et Heavy Metal est effectivement le genre de groupe de sales punk sarcastiques s'amusant d'un rien. Jusqu'à reprendre Do You Think I'm Sexy de Rod Stewart ou balancer en ouverture un Heavy Metal For Sexpeople en version disco-punk qui serait chanté par Plastic Bertrand. Entre les deux, une collection de douze courtes décharges minimalistes lo-fi avec boite à rythme bricolée ou batterie cheap, qui peuvent faire mouche (Blue Suede Shoe), faire rire, faire chier ou laisser totalement indifférent. Heavy Metal a publié récemment un LP3 et le combat n'a pas changé.

 

Cani Sciorri / Parte II (Vollmer Industries, Tadca, Justice, Wherever, Bareteeth records) : Ce disque uniquement pour la pochette et parce que je sais que des proctologues lisent ce site. Là, vous avez du sérieux client.

 

Steven Wright / Repetition (Virtual Cool records 2016) : Ce disque a fait un long voyage depuis la Tasmanie pour venir s'échouer en Bretagne et partager son spleen. Steven Wright avait déjà été à l'honneur mais pas à son avantage avec son autre projet Bi-Hour. C'est en mode solo qu'il fonctionne ici, seul dans ce monde obscur avec son piano, son synthé, ses graves cordes vocales, sa grosse déprime et son ennui abyssale qu'il communique parfaitement.

 

Bi-Hour / Regional Indifference (self-released 2017) : Et donc Bi-Hour qui a fait le même voyage que l'album solo de Steven Wright, un an plus tard. Pour un résultat identique. La version courte avait été pénible. La version longue est donc logiquement deux fois plus pénible. Wright et son compère Sam Upton racontent sur l'insert comment ils se sont rencontrés depuis les bancs de la maternelle. C'est mignon tout plein mais ça ne donne pas plus de consistance à cette electro-pop sans relief et profondeur. Et surtout sans ce petit truc qu'on appelle talent.

Seine / Sno Sna (Moonlee records 2017) : Un tour en Croatie avec Ivan Scapec dont le nom avait circulé lors de son précédent groupe Vlasta Popic. Il revient avec un projet solo à la base, agrémenté d'une section rythmique entre-temps et j'ai failli ajouté d'une chanteuse mais en fait non, c'est sa voix. Très surprenant. Un timbre de voix très féminin sur une musique plus intimiste. Délicatement rythmé, en croate dans le texte, s’électrisant rarement, Seine s'écoute poliment mais pas de quoi sortir de son lit et encore moins faire couler beaucoup d'encre.


Ana Threat / Cold Live (Cut Surface records 2016) : Ana Threat, alias Kristina Pia Hofer, une Autrichienne touche à tout mais surtout de la batterie autour de laquelle tourne une instrumentation hétéroclite et son chant. Par beau temps, Young Marble Giants pourrait être évoqué mais la météo est capricieuse et le ciel est d'humeur trop changeante pour qu'on y comprenne quelque chose dans ce disque fourre-tout. Mais ça reste suffisamment non-conventionnel et parfois inspiré pour que les promeneurs imprudents s'y aventurent.


Destroy All Gondolas / Laguna di Satana (Macina Dischi/Shyrec records 2017) : Un disque idéal pour faire du surf sur les canaux de Venise. Ce n'est pas gagné d'avance certes mais rien ne fait peur à ce trio originaire de la cité lacustre italienne. Surtout quand c'est mâtiné de Cramps, de garage-punk qui mouille le maillot, d'une couche d'abrasion et de coups de butoirs qui provoquent des vagues. Détruire toutes les gondoles, vaste programme et il va falloir faire encore beaucoup d'efforts pour être à la hauteur de cet ambitieux programme.


Chafouin / Ça Suffa Comme Çi (Epicericords 2016) : Le guitariste de Marylin-Rambo dans son second effort solo. Le premier album avait été séduisant mais là, comme le suggère habilement le titre une fois remis à l'endroit, ça suffit comme ça. La pop-bricolo-noise-lo-fi at home, point trop n'en faut. Pourtant, les quatorze titres n'ont rien à envier au premier jet. L'approche musicale est large, les mélodies rigolotes ou avenantes, vous pouvez même vous trémousser sur certains titres, jouer au ping-pong sur Extreme Noise Terror, penser à Jessica 93 sur Le Temps mais pas sur Jessica 92, montrer les biceps sur Epic n'Roll et faire la vaisselle sur une poignée d'autres. Je me dis surtout que ce projet mériterait un vrai groupe pour dépasser le stade du type bricolant en solitaire dans son coin parce que ya des germes de petites perles là-dedans ne demandant qu'un meilleur sort.

Sparkling / This Is Not The Paradise They Told Us We Would Live In CDEP (Popup records 2017) : Volubile, tel pourrait être le sous-titre de ce EP. Rien que le livret comporte seize pages pour caser toutes les paroles alors que seulement quatre titres figurent au compteur. Niveau musique, ça pétarade et ça tricote aussi sévère dans tous les sens. Un post-punk complexe, nerveux, anguleux, saccadé, très bavard et mélodique. Le trio allemand Sparkling déboule dans le paysage comme de jeunes chiens fous. S'il continue ainsi, le trio va vite se faire un nom. Et en saouler un certain nombre.


Stoned Diplodocus / Ante Mortem (L'Étourneur 2017) : Tout est dans le nom du groupe. Une musique lourde comme un dinosaure et qui défonce. Ou alors qui défonce un diplodocus. On les suit à la trace comme un homme de caverne en mal de champis, ça se fume autant que ça assomme. Quatre titres s'étalant très très généreusement dans un psychédélisme de la mort mais pas mortel. Fait tourner à ton voisin.




Cup / Hiccup (Aagoo records 2017) : Cup, trois lettres pour Tom Wojcik, texan exilé à New-York et trois lettres de trop pour un garage-rock bien dans l'air du temps ressemblant à un produit de série dans un genre qui en fabrique une quantité astronomique ces dernières années. Cup a sûrement tout ce qu'il faut là où il faut mais certainement pas le petit (gros) plus qui lui permettrait de se distinguer du troupeau.




Sauropod / Roaring At The Storm (Popup records 2016) : Si on vous dit que ça sonne entre les Pixies et Nirvana, ya de quoi éveiller la curiosité, non ? Pas de panique, vous pouvez vous rendormir. Un trio norvégien qui fait beaucoup de bruit pour rien. Pas étonnant que cette merde soit passée aux Transmusicales 2016.





Bastard Disco / Warsaw Wasted Youth (Antena Krzyku records 2017) : J'ai essayé dans toutes les positions, dans n'importe quelle situation, tentant tous les artifices, rien n'y fait, ce rock noisy énervé de Varsovie, limite psychédélique, braillard et convenu, je n'y arrive vraiment pas. Le label Antena Krzyku ne peut pas avoir bon à chaque fois.

Tête de Gondole (22/01/2018)