<25|11|2005> Screamo en novembre, aphone en décembre.

Sous cette appellation contrôlée, la gente avisée des jeunes kids en mal de rébellion de salon nomme screamo cette frange de la musique hardcore qui se définie par des cris et hurlements soutenus propres à agacer toutes oreilles de mélomane averti et censés caractérisés une frustration de grands adolescents en mal de vivre alliés à une science plus ou moins maîtrisée du chaos sonique. D'autres appellent ce truc powerviolence, voir c'est même pas du hardcore. Vous pouvez y rajouter une touche de grind (pour les méchants) ou d'emo (pour les gentils). Chinoiseries que tout ça. En gros, ça cogne dans ta face et t'y comprends que dalle. Si ce genre musical a connu son heure de gloire, il faut bien avouer que depuis un à deux ans, le souffle manque alors que les prétendants se bousculent toujours comme un troupeau sauvage de gnus dont peu à l'arrivée courtiseront l'élue.
Donc ce mois ci, pour faire bref, jetons un œil sur le rayon screamo-hardcore comme un client de chez Virgin megastore emprunte l'escalator, envie de tout, envie de rien.
Bucket Full of Teeth. Si ce nom fait plaisir à mon dentiste, il est aussi synonyme de douleur pour beaucoup. Après trois 45 tours compilés sur un CD répondant sobrement au nom de I, II, III (Cleanplate records, 2002/2003) et qui n'était qu'une logorrhée sans suite de tous les clichés screamo, Level Plane, jamais avare de ses efforts, nous sort un nouvel épisode, toujours aussi sobrement intitulé IV, ou alors c'est juste un manque d'imagination à l'image de leur musique. En même temps, l'étiquette screamo est bien réductrice puisque ces anciens Orchid (apôtres du screamo hardcore qui ont leur siège ad viternam à la droite du Saint des artistes cultes) piochent dans tous les styles que le hardcore (famille aux ramifications tentaculaires) peut compter. Je vous épargne la liste des trucs sales, visqueux, glissant, lourds et bien gras. BFOT passe du coq à l'âne avec des interludes bidouillés à l'électronique, un enchaînement de démonstration et de violence gratuite à l'inspiration désespérément plate et sans intérêt sinon celui de revisiter en un bon quart d'heure l'histoire du hardcore pour peu que vous soyez pas regardant sur la légitimité des faits. Le groupe a splitté mais des rumeurs alarmantes font état d'une possibilité de remettre le couvercle.

Par chez nous, je veux dire le beau pays qu'est la France, circulent également des groupes estampillés de cette fière étiquette screamo hardcore. Même à des endroits où on ne le soupçonnerait pas : Marseille ! The Third Memory n'a peur de rien et s'attaque avec un premier album à un exercice que leurs aînés ont magnifié, dont ils s'inspirent bien sûr largement et qu'ils ne dépassent en aucun point. Ils ont intitulé cet essai Et de cela rien ne ressort (Impure Musik / Synapse, Tears from Silence records 2005). Un nom pareil, ça s'appelle tendre des perches. Si vous êtes adeptes de Gameness (la version parisienne) ou Mihai Edrisch (la version lyonnaise), complétez vos images Panini avec la version marseillaise. Ni moins bon ni meilleurs.

Le deuxième album de The Fiction (Names, Waking records 2005) a presque failli me faire sursauter. Je ne m'attendais à rien d'enthousiasmant sinon à une suite sans surprise de leur premier album I told her that i like living in a box sur Level Plane. Du screamo rock on ne peut plus dans le rang. Mais au bout d'une écoute, mes vertèbres se retassaient mollement au fond de mon clic-clac à deux balles. Les 10 titres ont beau présenté un profil plus inspiré et virulent, leurs éructations polies fatiguent vite et ne tiennent pas la distance. Ils viennent de splitter juste après leur tournée européenne. Le vieux continent sert encore a quelquechose.

Accélérons le pas. Le screamo-hardcore est international. La Quiete et Louise Cyphre nous le prouvent encore une fois. La Quiete sont italiens. Louise Cyphre allemands et partagent désormais un gros point commun. Outre ce split 10'' sur le label américain Electric Human Project records, ils font la même musique. Ou presque. Allez on ne va pas chipoter. L'Italien a sans doute un poil plus le souci de la mélodie, un rien de plus dans la finesse mais écouter comme ça d'une traite, ça pourrait être le même groupe qu'on y verrait que du feu. La Quiete remporte tout de même le duel. Ces Italiens ont d'ailleurs sorti un album en 2004 (La Fine non é la fine sur Heroine records). Une fine fleur bourrée d'émotions et de bordel organisé que tous les rejetons de Yage ou Raein se délecteront jusqu'à la dernière note.
Et pour en finir avec cet incessant duel italo-allemand, The Apoplexy Twist Orchestra s'est senti également obligé d'apporter sa pierre à l'édifice. Create the new sur Nimbus Mobile records est à considérer comme le premier album de ce groupe allemand même si leurs 9 titres dépassent tout juste les 18 minutes d'un hardcore que Orchid n'aurait pas renier. Sauf qu'ils en sont loin de la flamme original. Toute la nuance est là, dans cette petite lueur au fond des tripes.

Identique remarque pour A Fine Boat, That Coffin (3 anciens Calling Gina Clark et un gratteux de Apoplexy Orchestra). Quelques alambications en plus, l'approche n'est pas dans l'action directe, voir jazzy. Ca pourrait leur valoir un avenir plus réjouissant mais pour l'instant ce premier 12'' sur Narshardaa et React With Protest records a encore du mal à décoller. A surveiller quand même pour un album qu'ils annonce imminent.

Le nom de Love Like Electrocution me rappelle la répartie fameuse de Marie Laforêt dans les Morfalous (un grand film indéniablement) quand son mari de banquier s'électrocutait en pissant malencontreusement sur une ligne électrique déterrée lui faisant dire avec beaucoup d'amour : c'est bien la première fois qu'il fait des étincelles avec sa bite. De là à faire un raccourci pour dire que ce groupe américain ne fait pas non plus d'étincelles avec leur premier album (pour le reste je n'oserais m'avancer) auto titré sur Building records… Le fait qu'ils viennent d'Australie n'arrange rien à leurs affaires. Ils pourraient venir de partout et surtout d'Etats-Unis où ce genre de groupes screamo rock convulsifs existent à foison.

Balboa est loin d'être rocky. Leur nouveau CDEP 4 titres (après un album toujours sur Forge Again) est noisy à souhait, rageur et désenchanté mais c'est hélas sans relief et besogneux. Des splits avec Nitro Mega Player et Russian Circles sont à prévoir pour cette année (dépêchez-vous, c'est bientôt décembre). Espérons qu'ils se laissent aller un peu…

Nous finirons cette joyeuse rubrique positive par deux hommages. Tout d'abord Helen of Troy. A fond dans la mythologie grecque, ces américains ne feront jamais parti de la légende du hardcore (et on s'en tape en plus) mais leur contribution vaut la peine d'être soulignée. Que des bouts de vinyls disséminés au quatre coins de mailorders inconnus, jamais d'album mais un dernier EP 5 titres the face that launched a thousand ships sur Waking records. Tout ça un beau jour sera peut-être regroupé sur un CD discographique comme c'est souvent de mise… 4 morceaux déliés mais efficaces, humeurs changeantes mais au fil directeur continu. Le 5ème, c'est le déluge, la fin des haricots, 23 minutes de bruits purs. La révérence est tirée dans le plus grand des chaos.
Autre groupe qui n'est plus : Shikari. Des Hollandais qui ont sorti une pléthore de mini-formats et de splits à leur actif (jusqu'à sortir des cassettes pour le marché malaisien et chilien !!). Leur dernière sortie en date aura été un split 9'' sur Level Plane records avec les Allemands de Louise Cyphre. Pour ces derniers, voir la description plus haut, rien n'a changé… Ils sont à deux doigts de faire du Shikari, ça la couleur et l'odeur mais tout reste à faire car Shikari ont LE son. Le son qui tue, personnel, et l'intensité vissée au corps, des compos tendues comme un nerf de bœuf dont les coups font irrémédiablement des ravages. Tant de groupes qui essayent de retranscrire leur frustration et leur colère en musique pour n'aboutir qu'à une démonstration de violence vaine. Avec Shikari, tout semble simple et percutant. 4 nouveaux et derniers titres qui rajoutent à leur gloire de groupe culte. Pour les retardataires, Level Plane a aussi sorti un CD compilant 23 titres de leur carrière de 1999 à 2003. Il ne restera plus qu'à vous procurer ceux courrant de 2003 à 2005 et avec Orchid, vous aurez en gros tout ce qui s'est fait de meilleurs dans l'emo-violence screamo mes couilles. Amen.

<04|11|2005> JR Ewing est vraiment très méchant
JR Ewing et son fabuleux album Maelstrom ont l'honneur d'ouvrir cette rubrique. Ride Paranoïa, leur album précédent sur GSL sonne à coté comme de la hype dégoulinante d'opportunisme. Alors que là, on a une vraie pochette de beaufs qui se la jouent pas. Un truc pour mecs burnés (et moustachu). Les compositions regorgent de guitares avenantes, de mélodies de supermarchés, d'un bon gros son qui donnera le meilleur de lui-même dans toutes voitures customisées avec jantes en alliage. C'est tellement affligeant qu'ils en ont sûrement fait exprès et rien que pour ça, pour ce suicide artistique devant nos yeux ébahis, JR Ewing mérite toute notre considération.
J'ai eu le bonheur de lire que, dans le Versus n°4, un chroniqueur "trouvait que Jr s'en tirait au final très bien". Je me sens moins seul tout d'un coup (je me demande quand même si leur platine CD ne déconne pas de temps à autre). JR Ewing ne perdent pas seulement une grande partie de leur public. Ils perdent aussi leur âme (tout en gagnant certes une très belle moustache).

 

 

 



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