exek
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Exek
Some Beautiful Species Left – LP
SDZ records 2019

Some Beautiful Species Left. S’il reste encore de belles espèces, Exek en est un parfait exemple. Espèce de quoi, cela reste à déterminer. Avec ce nouvel album, il est de plus en plus difficile d’épingler les Australiens à un mouvement particulier. Jusqu’à maintenant, la case post-punk a toujours été régulièrement cochée et elle est sûrement toujours d’actualité. Mais la manière dont Exek joue avec cette étiquette est de plus en plus déviante et personnelle. Une espèce pas rare mais bizarre. Et indéfinissable.
Un nouveau palier est franchi avec Some Beautiful Species Left. A tel point que ce troisième album (quatre si on compte A Casual Assembly, un album spécial pour synthé, trompette et basse et parce que c’est une espèce très prolifique) possède une certaine tendance à me passer au-dessus. Les éléments des précédents disques s’y retrouvent mais la narration est indécise, les structures sont versatiles, l’ambiance est volatile. Exek flotte dans un monde parallèle où les compos semblent incapables de se fixer sur du concret. Des compos qui s’écoutent avec plaisir mais qui ne font que passer, inaptes à capter l’attention. Des compos qui vous bercent, vous laissent dans un état cotonneux pas désagréable mais manquant de consistance à cause d’un sens de l’écriture qui perd le fil en cours de route et pas aussi pertinent que précédemment.
J’ai remis plusieurs fois l’ouvrage sur l’établi. La basse aux accents dub et la rythmique faussement indolente et finement entraînante sont bien présentes. Les effluves hypnotisantes circulent dans les alentours. Le cocktail PIL, This Heat, Swell Maps continuent de hanter les parages d’Exek. Le canevas samples, triturations, guitare zébrée, effets multiples et traitement sonore original forment une grille expérimentale intéressante. Mais le feu ne prend pas.

Et là, j’ai compris d’où vient le problème. Le défaut principal de ce disque est d’avoir vu Exek en concert entre-temps. C’était le 6 septembre dernier au Marquis de Sade à Rennes. Soit deux jours avant qu’un accident sur les routes françaises ne dézingue leur van et leur matos. Heureusement, tout ce beau monde s’en est sorti indemne et la solidarité DIY et le système D auront fait le reste pour que la tournée européenne se poursuive. Ainsi, un maximum de personnes ont pu s’apercevoir qu’Exek, sur scène et sur disque, sont deux entités différentes. En concert, Exek transforme sa musique en un organisme tendu, haussant considérablement le niveau du bruit, sortant la guitare de sa léthargie, tapant plus fort, plus vite pour une intensité générale propre à déclencher des incendies. Albert Wolski, tête pensante du groupe, sort de sa réserve, entraînant avec lui des morceaux s’accaparant une dimension considérablement plus prenante que sur disque. Que ce soit pour Some Beautiful Species Left mais aussi Ahead Of Two Toughts ou Biased Advice.
Les disques apparaissent du coup bien plus fade, surtout le petit dernier. Il faudrait envisager disque et concert totalement séparément mais j’en suis maintenant incapable. Ce sérieux effet secondaire et inattendu durera le temps que ça durera mais en attendant, c’est ballot. Alors je me prends à rêver d’un disque des Australiens capable de retranscrire ce qu’ils jouent sur scène, avec une vigueur et une urgence identiques sinon cette espèce va continuer à être gentiment belle à écouter mais va finir par s’éteindre tout doucement.

SKX (19/11/2019)