Q
rudeawakening



Q
s/t - CD
Rude Awakening 2011

Ce qu'il ya d'énervants avec les personnes venant du jazz, c'est quand elles viennent piétiner les plates-bandes du rock. On pourrait être tranquille, entre nous, à ressasser toujours les mêmes conneries et puis débarque un trio comme Q qui nous tanne sévère, notre fondement et nos certitudes. Le label de Montpellier Rude Awakening n'est pas à son premier coup d'essai, à tenter de briser les frontières (Les Yeux de la Tête et Twits). Il remet superbement ça avec un Q énorme. Julien Desprez, guitariste dont on a déjà parlé avec Irène et Linnake, compositeur en chef de Q, avec à ces cotés, Fanny Lasfargues (basse ou ce qui ressemble plutôt à une basse électro-acoustique) et Sylvain Darrifourcq (batterie) sont tous issus du milieu jazz, ont multiplié les collaborations avec Noel Akchoté, Jérôme Noetinger, Akosh S., Michel Portal et bien d'autres. Dans ce nouveau projet, on peut avancer sans crainte que le jazz et ces dogmes ne sont pas ce qui vous saute à la gorge en premier. Ni même en dernier. On va donc oublier les curriculum vitae, les chapelles, les préjugés et se laisser envahir par la musique de cet album, large et puissante.
J'ai plusieurs fois pensé à Fuelher. Une musique instrumentale aérienne, ample et solennelle, se jouant des codes pour autant de soubresauts électriques, de décharges free et violentes que d'ambiances contemplatives et d'avancées sereines jamais synonymes de traversée du désert. Le premier morceau fait pourtant peur. Après un rapide début, certes décousu mais tout en force, le trio s'endort pendant de longues minutes où plus grand-chose ne se passe, touchant au quasi-silence et à notre quasi-perplexité, laissant croire à une cérébralité qui ne va pas nous lâcher tout au long de ces neuf morceaux découpés en trois parties (Plante, No Coffee, No Speak et Coiffeur). Mais Q reprend vite fait de la dureté. Rythmiques pulsatives, répétitions allant crescendo dans la tension, cassure et contre-cassure, rien ne nous sera épargner. Jusqu'à l'hystérie et un gros passage à tabac débridé dans la troisième partie de No Coffee, No Speak. De leurs racines jazz, on apprécie qu'ils ne jouent jamais la carte solo, tout en mettant plein la vue, qu'ils ne cherchent jamais à jouer de leur technique au-dessus de la moyenne tout en tirant des plans qui laissent sur le carreau. Avec justesse et touché, à l'image du guitariste qui sait quoi faire de ces dix doigts. Un tenor sax (Robin Fincker) vient panser les plaies sur le troisième morceau, pendant que par derrière, le batteur de Q s'en donne à cœur joie dans de splendides roulements frénétiques. Ils nous refont le coup du silence, des vibrations et son écho qui perdurent, toujours au début de No Coffee, No Speak avant de finir comme vous savez. Exténué.
Au final, trois mouvements inventifs aux multiples reliefs, épurés ou chargés, avec toujours l'envie de nous mener où bon leur semble. Et nous suivons sans broncher. Grandiose.

SKX (13/06/2011)