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Big’n
Discipline Through Sound 25 - 2xLPs
Computer Students records 2022

On a jamais autant causé de Big’n depuis que le groupe est mort. Puis ressuscité. Puis mort ou on ne sait plus trop. Entre deux mondes. Dans le paradis des parfaits et dignes représentants du noise-rock. Mais plus que jamais présent et pas qu’en souvenir. Dying Breed, Spare The Horses, Knife Of Sin. Big’n revient sans cesse à la charge puis disparaît de la circulation. A peine quelques dates pour se dérouiller et mettre quelques scènes et notamment françaises à feu et à sang. Leur heure de gloire qui n’en fût jamais une (personne n’avait rien eu à battre de Big’n au début des 90’s), l’époque où le groupe de Joliet (à quelques encablures de Chicago) a construit son mythe et écrit ses plus beaux titres, c’était en 1994 avec le premier album Cutthroat et 1996 avec Discipline Through Sound. Un second album qui se voit fêter ses vingt-cinq ans. Si vous êtes forts en calcul mental et d’une perspicacité sans faille, 1996+25=2021. Et ça sort en 2022. Cherchez l’erreur. Ou plutôt le Covid qui lui nous a bien trouvé et foutu le bordel dans les agendas. Tout comme la pénurie de PVC qui sert à fabriquer nos chers vinyles adorés. Et si vous êtes fins observateurs en plus d’avoir la pochette originale de Discipline Through Sound, un nombre a fait son apparition en plus des six autres (le Loto, c’est trois fois par semaine, tentez votre chance). Ce sacré 25. Vous comprenez pourquoi maintenant, malins que vous êtes.
J’ai longtemps eu une légère préférence pour Cutthroat. Plus brut, plus enragé, plus méchant. C’est franchement chicané. Les deux albums sont essentiels. Big’n a beau avoir maîtrisé quelques bas instincts, Discipline Through Sound (ce titre en lui même signifie beaucoup, non ?) respire la classe internationale. Comme dit Jeff Helland (White Drugs, Hoaries) dans le livret, ce n’est pas que du noise-rock pur et dur, c’est plus subtil et profond. Mais l’intensité et l’urgence suintent à chaque note. Et pour reprendre le titre de l’article écrit par Steve Albini qui avait enregistré l’album, Why Should The Devil have all the best tunes ? Car ce disque diabolique est un alignement impeccable de tubes, de morceaux racés, taillés dans la pierre volcanique dont le feu est sous contrôle, pensés admirablement pour vous amener dans des sphères allant au-delà du simple impact physique et du plaisir immédiat quasi animal. Non, ce n’est pas que le corps qui s’en souvient. Ces compos restent aussi dans votre mémoire, se logent pour l’éternité dans votre cortex émotionnel. Un disque re-séquencé et remastérisé pour que le bonheur vous explose encore mieux à la tronche. On ne va pas refaire l’article sur les bienfaits que Big’n procure à votre ascension sociale. Ce site est suffisamment chargé en éloges sur ce groupe. Il faut juste bien se mettre dans la tête que Discipline Through Sound est une pièce maîtresse de l’échiquier noise-rock, à ranger soigneusement aux cotés des disques de Jesus Lizard, Dazzling Killmen ou Craw.
Mais une réédition de Computer Students est toujours bien plus qu’une réédition basique. Outre le soin à apporter à l’emballage dont nous avons désormais l’habitude mais qu’il ne faudrait pas banaliser, le label de Julien Fernandez apporte toujours une plus-value. Ça commence par le titre Cuss qui se trouvait uniquement sur la version CD de Discipline Through Sound en morceau caché (après une discussion cocasse et absurde entre le batteur Brian Wnukowski et René-Alexander Herbst, le boss allemand de Gasoline Boost, label qui avait publié à l’origine l’album) ou sur la compilation Ground Rule Double. Ça tombe bien, je n’avais ni l’un ni l’autre. Passons au second vinyle. Avec du vrai inédit. Sans en être vraiment. Discipline Through Sound a été au départ mis en boite par Dave «Daver» Zuchowski qui avait déjà enregistré les singles Hoss, Musket et le split avec Pencil. Un mixage entre les seuls Daver et le batteur (les trois autres avaient été priés d’aller faire un tour parce que trop bourrés) pas franchement idéal (they had mix the greatest drum album ever) et la proposition allemande et trébuchante de pouvoir enregistrer avec Albini ont fait que Big’n ont plaqué leur pote pour le Chicago Recording Company. Totalement honteux de la part de Big’n, non ? Vingt-cinq ans plus tard, le chanteur William Akins qui signe de nombreux textes dans le livret très instructif ne dit pas mieux dans un bel élan de repentance. Et alors que l’on croyait cet enregistrement détruit et perdu à jamais par un Daver trahi, une copie de la cassette a été miraculeusement retrouvée. Cinq titres de Discipline Through Sound sont donc présentés sur la face C. C’est plus brut, plus sec, plus dans une veine Cutthroat. Et quand Akins déclare que d’une certaine manière, il préfère ces versions à l’enregistrement Albini, on peut le comprendre et être d’accord (ou alors il dit ça juste pour faire plaisir à Daver car il a beaucoup à s’excuser). Une face qui claque et méritait bien cette exhumation. Dernière face, c’est pour la première fois en vinyle les trois compos du split CD avec Oxes publié à l’origine par Box Factory records en 1999 (à titre posthume pour Big’n mais qui mettait le nom d’Oxes sur toutes les lèvres). C’est également une nouvelle version plus sauvage de Like A Killer qui figurait sur Spare The Horses et enfin Missouri Boat Ride, seul et unique véritable inédit sorti on ne sait d’où mais qui valait bien lui aussi d’être déterrer. Big’n n’a pas fini de faire couler de l’encre (même virtuelle). Ce n’est que justice pour un groupe remarquable de recevoir une réédition améliorée et remarquable.

SKX (31/03/2022)