losttalk
spooky



Lost Talk
Tenterhooks – LP
Spooky records 2019

Je ne sais pas si je dois me réjouir ou me désoler. Me délecter d’un nouveau disque des géniaux Australiens de Lost Talk. Me lamenter parce que ce sera le dernier à tout jamais. Les six membres de Lost Talk ont décidé d’enregistrer un ultime disque, Tenterhooks, et de prendre des chemins différents. Alors que leur acte de naissance n’a que trois ans, que le premier album fume encore et que la cassette live Selfless Shame Promotion ne fera qu’aviver les regrets de ne jamais avoir vu ce groupe en concert.
Deux batteries, deux guitares, un bassiste tout seul mais qui sait très bien se faire entendre dans un rôle central, une chanteuse qui vole au-dessus d’un nid de coucou, Tenterhooks est une nouvelle preuve que Lost Talk avait le feu sacré.
Toujours une filiation Jaks / Jack’o’Nuts / Bellini avec un zeste de Sonic Youth que je n’avais pas remarqué jusque là et des effluves post-punk au milieu de la baston noise-rock avec une basse prépondérante de Ben Rose dont le groove est tour à tour mélodique ou rondement entraînant. Et question rythmique sulfureuse, la doublette Liz Turner/Sam Reid balaie les doutes du premier album sur lequel on se demandait parfois si deux batteries dessus étaient cognées. Sans en faire des tonnes, leur présence se fait parfaitement sentir. Ça se complète, s’enchevêtre, avance dans un subtil décalage sur une partition identique, apportant une pertinence, une densité tout en finesse et en tribalisme incendiaire (Igloo).
Malgré les apparences, Lost Talk n’est pourtant pas un groupe fondamentalement rythmique. Ce sont les bras et les muscles alors que le cœur et les émotions sont le fait des deux guitaristes (Max Ducker et Steven Smith qui ont également enregistré l’album). Ils en ont même rajouter une couche à l’instar de Squab qui est ce morceau noise-rock qui fait fondre la glace et autres passages épris de mélodies acides, de dérapages sur un fin lit de barbelés, de crissements aigus mais révélant en leur sein une véritable propension à vous accrocher, hypnotiser, bercer pour inlassablement revenir vous y frotter. Toujours porter par la délicieuse voix caméléon de Amy Mowle qui sait impeccablement se positionner dans l’humeur des guitares, accompagner l’élan des morceaux, Tenterhooks est rempli de crochets adroitement acérés, aussi soyeux que féroces pour un song-writing qui fait les albums qui comptent tout en devenant des trésors cachés.
Tenterhooks est incroyablement bon. Lost Talk était incroyablement bon. Faites en sorte que leurs délicieux méfaits ne tombent pas dans l’oubli.

SKX (30/09/2019)