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White Suns
Psychic Drift – LP
The Flenser records 2017

On le sentait venir, on était prévenu, c'était irrémédiable, fatal mais ça file quand même mal au crâne. White Suns a mis au rencart guitares et batterie, est passé en mode duo avec uniquement Dana Matthiessen et Kevin Barry et plonge un peu plus loin, un peu plus profond dans les affres démoniaques du bruit. Le chemin parcouru depuis Waking In The Reservoir ne pouvait les amener que dans ces extrémités qu'ils ont déjà épisodiquement côtoyées à leurs débuts. Le dernier album en date Totem tournait autour du pot et cette fois-ci, White Suns s'est totalement immolé dans un flash aveuglant d'effroi. L'exploration et l'abstraction sont poussées dans leurs derniers retranchements. Et nous aussi.

Psychic Drift, quatre longues compositions de désolation, de fils barbelés et d'un champ de mines érigé en nouveau terrain de jeu. Synthés, field recordings, samples de détresse, electro au vitriol, tapis de triturations, sonorités venimeuses, grincements ultimes, grouillements kafkaïens et le chant au milieu pour un zeste d'humanité dans ce no man's land de fin du monde, une zone de non-droit où les repères ont disparu. Ce n'est pas que le duo new-yorkais ait inventé quelque chose mais il n'avait jamais été aussi loin en terre ennemie. Il va falloir désormais s'en remettre.
Une question avant tout d'ambiances, de trames sonores délétères, d'enfermement duquel il va falloir s'échapper, une camisole bruitiste dans un paysage ravagé. Avec des guitares et des rythmes, White Suns était capable de créer de grands climats de violence et de tension, des morceaux délicieusement punitifs dans un cadre plus ou moins rock. Armé seulement d'un dispositif bourré d'électronique et d'un esprit torturé, White Suns arrive à recréer ce climat extrêmement anxiogène, à accentuer le malaise, à pousser l'urgence dans un point de non-retour. Les quatorze minutes de Korea sont une machine de guerre. White Suns passe par toutes les techniques d'interrogatoire. La voix fait le lien avec le passé et continue de mettre la pression. On en ressort pas indemne. Mais la maîtrise est édifiante pour emmener au bord de la folie sans tomber dedans. Vous êtes prêts à craquer mais le réflexe de survie est le plus fort et vous subissez le stress, livide, mais sans broncher. Les trois morceaux suivants obéissent à une trame identique. Seule l'alchimie est moins prenante. Ou c'est juste qu'on est devenu endurant, prêt à tout encaisser après une telle entrée en matière. Les atmosphères sont tout de même légèrement moins tendues et aliénantes mais rassurez-vous, ce n'est pas encore exactement de tout repos à l'instar de A Year Without Summer. Sauf qu'avec White Suns, c'est pour toute la vie. Le soleil ne brille plus depuis longtemps. Psychic Drift n'est pas le disque de tous les jours. Ce n'est pas possible. Mais dans son évolution qui n'emprunte pas la voie de la facilité, White Suns continue de vibrer, provoque, cherche. Le corps du propos reste le nerf, l'intensité, le malaise, une certaine manière d'envisager le rock sans les armes habituelles bien que ce soit à réserver pour les plus malades d'entre vous.

SKX (26/10/2017)