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Staer
The Collapse Of Ancient Funk – 12''
Drid Machine 2016

Un beau jour de mars 2015, Staer balançait un message plutôt lapidaire et dévastateur à ses hordes de fans éplorés : « As of today, Staer is on an indefinite hiatus due to creative and personal problems ». Et de s’excuser pour l’annulation d’une énième tournée qui aurait du conduire le groupe au Royaume-Uni et en Irlande, puis un peu plus tard jusqu’à Paris pour jouer dans le cadre du festival Sonic Protest. Pour beaucoup Staer était la révélation bruitiste de toutes ces dernières années et la disparition prématurée du trio norvégien sonnait comme une terrible déception… Fin de l’histoire ? Pas tout à fait puisque Drid Machine a, quasiment un an jour pour jour après l’annonce de Staer, publié un 12'' du groupe à titre posthume. Drid Machine c’est le label de Kjetil D. Brandsdal de Noxagt/Ultralyd et dont on a déjà parlé il n’y a pas très longtemps à propos d’une cassette live de Sightings – un label qui n’a que peu de références mais qui donne dans la qualité supérieure dès qu’il s’agit de s’intéresser à tous ces trucs informes et magmatiques qui font du barouf, souvent avec une instrumentation pourtant classique (les multiples combinaisons possibles entre guitares, basses et batterie, etc).

En dévoyant et tordant à l’envie la formule du power trio, en assenant une musique proche du chaos multidimensionnel, en piochant – sans doute un peu par hasard, sans doute par découverte – dans des musiques tendant toutes vers l’absence de compromis, noise-rock, free jazz et même harsh noise, Staer était – reste – donc un archétype incontrôlé de tous ces groupes qui privilégient les sensations fortes, absolues, et les abysses sonores. The Collapse Of Ancient Funk ne contient que deux compositions, le morceau titre (un peu prémonitoire) ainsi que le terrifiant et rampant The Golden Oriole. Ce n’est pas le meilleur enregistrement de Staer, mon préféré restera sans doute à tout jamais le deuxième et monstrueux album Daughters, mais ne boudons pas notre plaisir : cela n’a pas de prix de retrouver une dernière fois cette alchimie si particulière et totale entre une guitare décapante et noyée d’effets, une basse grondante et sidérale et une batterie tourbillonnante mais tellement implacable. Un vrai festival pour les oreilles qui aiment saigner mais aussi, peut-être, la confirmation que la musique de Staer était tellement entière et tellement inconditionnelle, que le groupe n’aurait pas pu aller beaucoup plus loin, à moins de changer quelque peu de direction.

Alors, encore une fois, est-ce réellement la fin de l’histoire ? Définitivement non : le guitariste et le batteur de Staer ont décidé malgré tout de continuer ensemble sous le nom, précisément, de Golden Oriole. Le nom d’un petit oiseau aux couleurs vives et éclatantes pour une musique qui reste toujours aussi incroyable et prenante, une tempête de bruit, de fureur et d’abandon. Et de nouvelles nuances qui apparaissent. Il est donc là, l’héritage de Staer, à la fois dans ce 12'' à la présentation très soignée, et dans ce « nouveau » duo dont les récents concerts ont soufflé celles et ceux qui y ont pu y assister, des concerts d’une rare intensité laissant toujours éclater ces boules de feu sonore autour d’un public subjugué et noyé jusqu’à l’étourdissement. Alors, il me tarde vraiment de découvrir un vrai enregistrement de Golden Oriole et je n’espère qu’une seule chose : que Kristoffer Riis et Thore Warland continuent de faire de la musique ensemble. Longtemps.

Hazam (28/03/2016)