Avec une régularité de métronome, le trio New-yorkais Sightings nous envoie de ses nouvelles. Et utiliser le terme métronome est une gageure pour ce groupe tant il est impossible de savoir à quoi s'attendre avec eux, capable du pire comme du mieux, de vous irriter au plus haut point comme de vous incendier les neurones dans une grande gerbe de bruit extatique et masochiste, non seulement d'un disque à l'autre mais également au cours d'un même album (dont vous pouvez lire quatre chroniques sur cette page).
Future Accidents doit être dans leur dixième album depuis le premier en 2002 (Michigan Haters), sans oublier les nombreux singles et CDrs (à croire qu'il est très facile de composer du bruit) et Future Accidents n'échappe pas à cette injonction paradoxale. L'espace d'un changement de face, ils sont capables de passer d'une musique noise exigeante mais tripante à une musique noise, obtuse et cliniquement morte. Nous allons donc régler tout de suite le cas de la face B. Public Remains, avec Pat Murano en invité pour les keyboards (merci de nous le préciser), unique morceau de dix-neuf minutes et des brouettes sur laquelle je les balancerais bien pour les envoyer paître dans la purée d'orties bruitiste qui ne pique aucune curiosité et totalement stérile. Long, très long, interminable titre dont l'abstraction est un mot trop poli pour dire comment on se fait royalement chier. Grincements, bruitages, nappes vagues et inoffensives, sans évolution, sans rythme sinon quelques embryons sur la toute fin. Je crois bien que c'est la première fois que j'entends un morceau de Sightings aussi informe et vide. Espérons que ce sera la dernière.
Retour donc à la face A avec trois titres faisant la part belle également au bruit mais qu'un minimum de structures encadre, avec du rythme, de la vibration, du bruit qui ne s'échappe pas comme un pet cotonneux mais de la noise dense et viscérale. J'avais connu Sightings plus frontal, explosif et strident, noise (rock) largement plus méchant. (La face A de) Future Accidents se révèle plus pervers(e) et pénétrant(e). Rythme lancinant, crépitant, batterie hybride acoustique/pads électroniques qui envoie du cheval au galop mais qui peut tourner à la pulsation cardiaque recouverte d'une guitare-fraiseuse comme sur le morceau d'ouverture To The World. Strates de bruits épaisses et sales, de crissements, de fritures, pluie froide tombant sur une gamelle chaude, je n'ose même pas imaginer qu'une guitare ou une basse puissent sortir de tels sons et pourtant mais apportant un réel champ de profondeur, baignant, enveloppant le chant tout en intensité rentrée dans un halo ultra inquiétant (On A Pedestal), triturant les climats malsains de K-Branding. Mais c'est définitivement quand Sightings lâche la bride qu'ils vous retournent complètement comme sur les quatre minutes furieuses de The Knotted House.
Le trio n'est plus sur Load records depuis deux, trois albums, mais continue de hanter des labels de freaks. Cette fois-ci, c'est le label de Brian Sullivan (Mouthus), pépinière d'expérimentateurs givrés.
Future Accidents, un album de Sightings qu'on écoutera encore qu'à moitié. Mais quand c'est bon, c'est vraiment bon.

SKX (23/09/2011)