L'Enfance Rouge & Eugene S. Robinson
Jeudi 6 décembre 2012
Mondo Bizarro - Rennes



Tant que la mémoire est fraîche et l'haleine fétide, retour sur le concert de jeudi soir dernier dans l'antre du Mondo Bizarro. Un concert inédit entre le trio L'Enfance Rouge et le chanteur d'Oxbow, le sémillant Eugene S. Robinson qui font route, scène et lit communs pour une ballade européenne de quatorze dates dont six en France. Un concert qui a lieu dans le cadre du festival des Bars en Tran$, programmation grouillante dans pléthore de cafés rennais, plus alléchante que le festival en lui-même dont le cadre principal est un hangar à bestiaux en banlieue.

Les festivités ont déjà commencé la veille avec un somptueux concert de The Cesarians à La Bascule. Une belle soirée à danser et rocker sur un lit de violons, des roucoulades de touches noires et blanches, se faire souffler dans les bronches par des cuivres rutilants et malmener par la pile électrique Charlie Finke.

Michel Cloup, en première partie de L'Enfance Rouge va venir calmer tout le monde. Autant je peux écouter son album dans l'intimité d'un salon, autant le partager au milieu d'un public d'anonymes me parait totalement incongru. Comme le concert a déjà commencé et que je n'ai pas envie de jouer des coudes dans ce public forcément très calme, je reste tièdement à écouter de loin, sirotant un breuvage houblonné, n'étant franchement pas d'humeur à subir les paroles d'un type qui parle de la mort de sa mère. La batterie et la guitare ont l'air pourtant de bien claquer comme sur le disque et les soli de guitare ont l'air tout aussi gonflant que sur disque. Resservez moi donc une bière.

Et une grande. Car pour L'Enfance Robinson, faut prendre de l'avance, des forces, ne pas se retrouver privé de munitions quand l'attaque sera engagée. La bassiste Chiara Locardi arrive sur béquille. Sa cheville ne supportant pas la position debout, c'est en position assise sur son ampli qu'elle jouera de son instrument. Jacopo Andreini le batteur à sa droite. François R. Cambuzat le guitariste à sa gauche. Et devant, le frétillant Eugene Robinson arrivant tout juste de l'hôtel et du froid hivernal. Bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles, plusieurs épaisseurs sur le dos lui donnant encore plus de carrure et qu'il va peu à peu enlever sous la chaleur des spotlights, jusqu'à montrer ses pectoraux tatoués d'un imposant aigle. Pectoraux qui ont d'ailleurs tendance à tomber et à faire de la graisse mais ça, je me garderais bien de lui dire. Il est fort, un peu dingue, n'a pas écrit un bouquin qui s'appelle Fight pour rien et je suis lâche. Et puis ce soir, il a son regard de psychopathe, deux fentes lui servant de regard prêt à foncer sur sa proie et personne n'a envie de faire le malin, bien qu'un forcené n'a pas cessé de lui déclarer/beugler tout son amour entre quasi chaque morceau. Et en parlant de morceaux, je ne sais pas trop à quoi m'attendre avec ce concert de Eugene Le Rouge. Une oreille jetée sur trois titres disponibles sur leur soundcloud mais comme j'avais envie d'arriver comme une vierge pour son sacrifice, l'écoute a été discrète et rapide. La surprise n'en fut que meilleure.
C'est violent, âpre, parcouru d'électricité chargée en fer et en baston. Dans la lignée de l'album Bar-Bari de L'Enfance Rouge avec le charisme du chanteur d'Oxbow, toujours dans la démence contrôlée, sa simili danse haka d'un rugby qu'il a pratiqué dans sa jeunesse, micro dans la braguette, gaffer noir scotché sur les oreilles comme à son habitude. Les morceaux s'enchaînent, noise-rock rocailleux, explosif, carré et tribal, tour à tour répétitif ou faisant dangereusement monter l'adrénaline, en apesanteur, magnifiques moments de tension larvée, regard bleu perçant de la bassiste qui assure le show, même dans cette position incertaine. Robinson de L'Enfance joue une grande partie de nouvelles compositions mais j'ai cru reconnaître dans le tas des compos de L'Enfance Rouge. Un rappel et un coup de peigne du guitariste plus tard, cette nouvelle collaboration achève le public avec Petite-Mort. Un morceau pharamineux de l'album Trapani Halq Al Waldy. La version muscle et sang chaud de Robinson réussit le tour de force, dans un tout autre genre, d'être aussi flamboyante. Une longue désintégration, un orage volcanique zébré d'une multitude de petites morts lentes et pointues, assurément le point d'orgue d'un concert énorme et totalement palpitant.

SKX (08/12/2012)

P.S. : aucun projet de réalisation discographique entre L'Enfance Rouge et Eugene S. Robinson pour l'instant et, plus surprenant, The Thin Blake Duke, le futur album d'Oxbow, dont on annonce la sortie depuis tellement longtemps que ça ressemble à une éternité, n'est en fait toujours pas en boite ! L'enregistrement est prévu pour février 2013. Je n'ai pas réussi à me faire comprendre d'Eugene pour lui signifier qu'il devrait appeler ce disque L'Arlésienne.



Merci à Appolosemouse2081 pour les vidéos.