rienvirgule
permafrost
zamzamrec
larepubliquedesgranges
muraillesmusic


Rien Virgule
Berceuse Des Deux Mondes – 2xLPs
Murailles Music/Zamzamrec/La République Des Granges/Permafrost records 2025

Berceuse Des Deux Mondes pour un groupe qui a toujours été à part, là sans être là, mystérieux, évoluant dans des univers parallèles, entre plusieurs courants et en eaux troublantes mais loin de l’agitation des modes et de l’ordinaire. Rien Virgule guette les failles et semble prendre un malin plaisir pour s’y engouffrer et développer son royaume singulier, un monde personnel que Rien Virgule cherche inlassablement à façonner, comme une cinquième dimension dans laquelle le trio fait voir et entendre les choses différemment, stimulant votre imaginaire à l’instar des pochettes du groupe. Et si on commence à bien appréhender cette musique, elle envoûte toujours, interroge constamment.
Quatrième album de Rien Virgule, Berceuse Des Deux Mondes s’étalent une nouvelle fois sur un double album. Plus d’une heure, c’est beaucoup, parfois moins captivant avec une poignée de morceaux à l’approche plus expérimentale (Petits Os Déshérités, L’Esprit Bruyant, Sources Jaunes ou également dans une moindre mesure, Le Manifeste Évaporé), libre champ aux grouillements, nappes bruitistes inquiétantes et autres sonorités nébuleuses et abstraites où l’attention décroche.
D’une manière générale, un disque semblant moins porté sur les mélodies ou alors elles sont juste moins évidentes, blotties dans le dédale des synthés, s’étirent, sont perturbées par des triturations, des frictions, surgissent pour mieux se parer d’oripeaux électroniques. Ça n’empêche pas Rien Virgule de s’aventurer dans des compos sinueuses et sombrement lumineuses, de longues envolées synthétiques qui hypnotisent comme un charmeur de serpents (le serpent c’est vous), ondulations faussement tranquilles et mélancoliques qui virent à la nostalgie et ses effluves sur Chute Imaginaire D’Un Astre ou Enclos Des Langues, invoquant Pascal Comelade et le goût jauni d’une fête d’antan.
Des compos spacieuses et vertigineuses, de ce vertige provoquant le malaise parce que l’inconnu est le seul horizon et Rien Virgule n’a pas son pareil pour l’étaler sous tes yeux sans lui donner de limite, sans donner les clefs. Trou noir absorbant dans lequel chimères et tourments errent à l’infini. Avec une froideur percutante dans une ambiance post-industrielle (le saisissant Ostianto Des Parades), capable de créer un mouvement dansant et étrangement entraînant sur Lenteur Des Montagnes, d’harmonies douces, d’ondes palpitantes ou planantes, d’intensité et de remous (Les Instrus Du Cosmos) et d’un flamboyant titre ouvrant majestueusement les hostilités (Le Rythme Du Sang). Et sans cesse la voix d’Anne Careil dans sa langue refusant de dire son nom qui vous happe. Magie noire. Berceuse Des Deux Mondes, cocon sans concession et autonome de la vie singulière de Rien Virgule.

SKX (11/06/2025)