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Rien Virgule
La Consolation Des Violettes – 2xLPs
La République Des Granges/Permafrost/Zamzamrec/Murailles Music records 2021

Le précédent album, Le Couronnement Des Silex, n’invitait pas à l’optimisme. Mais après le décès d’un des leurs (Jean-Marc Reilla), les trois autres membres de Rien Virgule ont décidé finalement de continuer, aller de l’avant et lui offrir en forme d’hommage un haïku de Yosa Buson d’où est extrait le titre de ce troisième album : à qui vient de saisir les os du défunt, la consolation des violettes.
Et c’est un magnifique bouquet que le désormais trio présente. Un double album, plus d’une heure pour dix compos, Rien Virgule n’a pas fait les choses à moitié. Et ça commence directement par le morceau fleuve, les douze minutes de Apache. Histoire de vérifier que la magie et le halo de mystère entourant la musique de Rien Virgule ne se sont pas évaporés avec les limbes d’un destin funeste. Enfer aux flammes éteintes, paysage lavé, le soleil brille en gloires. Le bruit, les rythmes, la mélodie, tout s’enchevêtre pour former un long serpent ondoyant sur leur vision artistique qui n’a jamais su s’arrêter sur un style en particulier.
La Consolation Des Violettes s’embellit au grand jour d’un travail encore plus poussé, détaillé, abondant et émouvant. Le trio tire tour à tour de longues mélopées étrangement mélancoliques, chancelantes et lancinantes, des mélodies traversés et triturées par un esprit fantasque et imprévisible, des airs d’improvisations où l’abstrait se soustrait à une poésie instable et touchante (Radio Embryon, Ficedula Parva), des sonorités en multitude issues des synthés et des sampleurs (Manuel Duval) qui mènent cette drôle de danse sans nom perpétuant l’approche de trafiquant de sons de Reilla. La recherche rythmique (Mathias Pontevia) est sans cesse étonnante bien qu’une impression diffuse laisse à penser/sentir que les rythmes ont pris moins d’importance. Par contre, les atmosphères sont de plus en plus belles et palpitantes (Tambour De Nacre, L’Ogresse Amoureuse), des atmosphères qui semblent avoir été flanquées au creux de montagnes impénétrables depuis que ces montagnes ont été flanquées là, elles semblent faire désormais partie de ce paysage qui a tout du mirage. Ça vous fiche des structures décharnées, élégantes, claudicantes (Toque De Clous) ou celle d’un vieux spectacle de fête foraine qui a mis son plus beau costume jauni pour son ultime tour de piste (Le Cri Du Typographe) avant de s’embarquer dans un tunnel noir tragique car la fin des morceaux n’a pas toujours de lien direct avec son début.
Et puis vous avez toujours le chant d’Anne Careil (également au synthétiseur) à nul autre pareil, d’une richesse et variété incomparables, toujours prêt à vous filer un frisson incroyable et qui porte plus que jamais la musique de Rien Virgule vers des sphères singulières et envoûtantes. Il faudrait encore des heures pour expliquer ce disque, tout ce qui s’y passe et ce que ça vous fait. Ce qui est un comble car La Consolation Des Violettes ne s’explique pas, ça se vit, ça se ressent, c’est du domaine de l’indicible, ça suit son chemin sur la crête de vos humeurs, ça vous met dans de drôles d’état avec des tremblements et des hallucinations, entre élévation et plongeon dans un goufre sans fond à l'instar de cette pochette donnant le vertige. Mais ce qui est sûr, c’est que le trio a réussi son adaptation forcée par la fatalité, que La Consolation Des Violettes est aussi brillant que magnétique et que vous ne trouverez pas deux groupes comme Rien Virgule. Point barre.

SKX (08/09/2021)