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The Tunnel
Shudder – LP
Learning Curve records 2023

Plus de dix ans sans parler de The Tunnel alors que le trio de San Francisco a multiplié les sorties depuis une décennie. Il va être temps d’en sortir pour voir la lumière du jour. Mais il est tellement compliqué de se procurer les disques de Learning Curve records en Europe (à prix normal s’entend), tout comme ceux de The Ghost Is Clear ou Reptilian d’ailleurs, trois des labels les plus intéressants pourtant depuis un paquet d’années.
Shudder, cinquième album (ou septième si sont comptées les compilations de singles et EP numériques à la base Six Curses Of The Blackout Witchcave et Shape Shifter) continue de scarifier le noise-rock avec une bonne dose de swamp rock de la mort comme à l’époque de Sultry Daggers, d’effrayer les corbeaux avec une basse distordue capable de pousser le volume à n’importe quel moment et d’offrir des excursions dans des cimetières où les os servent à cogner toujours plus fortement sur des rythmiques appuyés. Le guitariste Jeff Wagner s’obstine à faire le crooner un rien théâtral sur les bords, pour le meilleur et le moins bon. Toujours eu un peu de mal avec son approche mais il va falloir faire avec. Parce que musicalement, Shudder aiguise les couteaux et tranche avec une élégance frémissante des morceaux n’hésitant pas à rentrer dans le lard mais sans le gras. Et comme le chant se soigne et offre à plusieurs reprises des prestations plus cinglantes, le rock noir de The Tunnel fait couler un jus virulent provoquant des remous sur lesquels faire la danse de la pluie n’est plus une option.
Shudder transpire un sentiment rock’n’roll ancestral et cabossé (comme le riff introductif de Deathray), un blues gothique transposé dans le chaos du monde moderne, de profondes effluves funestes filtrées à travers un voile raboteux et de rudes aspérités. Très fort sur les parties de basse (Sam Black qui rajoute également quelques effets électroniques), The Tunnel se lance sans faire de différence dans les chevauchées rugueuses et les balades poignantes. Aussi prompt à dégainer et apporter de la chaleur avec les tumultueux Tungsten, Shudder ou Racknid et aussi un peu de lourdeur/densité avec Daybreak que s’épancher dans des allures plus mélancoliques pour cow-boy solitaire (Hangman, Uneasy, Frontage), voir se faire plus mélodique et entraînant sur le surprenant Zealot. Depuis, The Tunnel a sorti deux excellents nouveaux morceaux, Razorgrid et Birds Of Pray montrant un groupe affûté plus que jamais. On attendra pas à nouveau dix ans pour parler de The Tunnel.

SKX (18/02/2024)