lleroy
overdrive


Lleroy
Nodi – LP
Overdrive records 2022

Ce n’est pas parce que Lleroy met beaucoup de temps entre chaque album qu’il faut en faire de même pour en parler. Bientôt un an que le cinquième album du trio italien est sorti (même si le vinyle a été publié bien après). Le groupe de Bologne n’avait pas totalement conquis avec Dissipation HC. Il resserre les boulons avec Nodi.
Enfin, resserrer est une façon de parler tant le trio reste généreux dans l’effort, dilate les pores et se gave sur le dos de la bête noise-rock pour arroser tous azimuts. Ça peut virer post-hardcore, frayer vers le grunge ou le mudcore comme le groupe le dit lui-même, c’est à dire se faire pesant tout en restant vigoureux et alerte et se permettre d’ajouter un violoncelle avec l’invité Giuseppe Franchellucci sur deux titres, Hysteria et Una Riposta. Lleroy est un bricoleur (comme Merlin) plein de ressources qui sait, après vingt ans d’activités environ, accommoder ses différents courants d’influences pour les assembler dans son propre univers et les balancer avec une énergie et une fureur qui ne faiblissent pas au fil de toutes ces années.
A l’aide d’une production massive et guidé par un tempérament agressif, Lleroy envoie de la salve frénétique, défouraille dans les grandes largeurs mais sans jamais en mettre de partout. Au contraire, les structures sont impeccablement menées et cadrées, ce qui n’empêchent pas une multitude de convulsions et de rebondissements à l’intérieur. Ça groove à mort quand bien même Riccardo Ceccacci (batterie) et Chiara Antonozzi (basse) envoient du pilonement terrassier qui font trembler les fondations. Bref, Lleroy sait nuancer son propos et la guitare tout comme le chant emporté de Francesco Zocca apportent de l’eau à un moulin qui sait ne pas exploser ses ailes en plein vol. Lleroy connaît toutes les cadences, toutes les ruses pour que l’intensité soit encore plus forte, insuffle les accroches mélodiques à bon escient entre deux coups de grisou assassins, s’emballent sans perdre l’adhésion, performant dans son monde agité, avec le sens du détail mais sans esbroufe.
Mais c’est quand Lleroy s’aventure dans des compos plus tortueuses qu’il en devient encore meilleur et enchanteur (oui, comme Merlin aussi). Cane Maggiore et les deux titres avec le violoncelle qui n’est pas là pour faire de la figuration, avec en tête les sept minutes et quelques de l’apothéose Hysteria, sont des morceaux possédant un charisme particulier et grave, une force centrifuge s’alliant à un sens de l’expérimentation et de la narration qui en font des titres particulièrement goûteux et enlevés.
Lleroy ne lâche rien et peut trôner bravement dans un paysage noise-rock qui aurait toutes les raisons de lui laisser une place plus conséquente.

SKX (03/04/2023)