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thrilljockey


Keiji Haino + Sumac
Into This Juvenile Apocalypse Our Golden Blood To Pour Let Us Never – 2xLPs
Thrill Jockey records 2022

Apparemment, entre Keiji Haino et Sumac, c’est une histoire qui marche. Troisième collaboration entre le japonais légendaire et le trio américain. Elle prend forme dans le cadre d’une performance unique, une improvisation de six titres à l’Astoria Hotel de Vancouver. C’était le 21 mai 2019. Soit l’année de sortie de leur précédent album Even For Just The Briefest Moment. Soit trois copieux enregistrements en à peine deux ans mais avec des dates de publication étalées entre 2018 et 2022. Quand on aime, on ne compte pas.
Mixé un an plus tard et masterisé en octobre 2021, Into This Juvenile Apocalypse montre surtout que les connexions entre ces deux entités sont à leur maximum, un monstre sans pareil, effrayant et fascinant qui déverse dans un souffle soudé un déluge sonore qui de par la nature même de sa conception sonne bien plus direct et brûlant. Brutal et sans détour. Sans l’ampleur et le confort d’un enregistrement studio mais avec l’attaque carnassière des amplis qui crachent leur jus électrique, les sifflements qui perdurent, la puissance de l’assise rythmique qui cogne à froid et durement, l’enchevêtrement de chair et de sang, la perte des repères face à ce cuirassé étourdissant. Et qui paraît imprenable car se frotter à l’expérience Keiji Haino + Sumac reste un moment rude mais tellement dévorant, radical, qui laisse hagard mais palpitant et cathartique.
Encore plus sur ce disque où le quatuor met plus d’une fois le paquet pour t’ensevelir sous une avalanche de riffs diaboliques prenant des allures de tornades (l’ultime titre That «Regularity» Of Yours), ne prend pas de gants et encore moins de temps pour rentrer dans le vif du sujet (That Fuzz Pedal You Planted In Your Throat, rien que le titre (dont on vous donne la version courte) dit tout). Et quand la bête prend la peine de respirer lors d’une intro plus longue (Into This Juvenile Apocalypse), c’est pour mieux faire monter une adrénaline diabolique et tout ravager sur son passage, ne plus rien laisser pousser derrière après plus de onze minutes infernales. Une bête également imprévisible qui va où bon lui semble. Des pérégrinations improvisées qui chevauchent des méandres plus poétiques ou comme un blues tortueux et étrangement beau (When Logic Rises Morality Falls et Because The Evidence Of A Fact) avec les éclats de voix/vocalises de Haino en version originale (plus rarement Aaron Turner qui fait entendre ses grondements d’outre-tombe sur A Shredded Coiled Cable) pour un exercice de téléportation en des contrées oniriques, des labyrinthes subtilement hantées, à la tension larvée, avec un jeu de contrepoints mélodiques et d’égrenages entre les deux guitares, des ricochets rythmiques contrastant avec la profusion, la violence et le foisonnement de bruits qui sont la marque habituelle de cet attelage volcanique. Je ne sais pas si Haino et Sumac comptent un jour arrêter de s’associer mais une nouvelle fois, c’est pour le meilleur.

SKX (15/12/2022)