chatpile
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Chat Pile
God’s Country – LP
The Flenser records 2022
Chat Pile/Portrayal Of Guilt
Split 7’’
Portrayal Of Guilt records 2021

God’s Country et il est pas beau à voir. Chat Pile va se charger de méthodiquement le rappeler si jamais tu avais cru apercevoir un rayon de soleil. Contracte toi, ne crie pas, endure. La fabuleuse attraction du vide. Que le groupe d’Oklahoma City avait comblé avec un premier disque saisissant. God’s Country allait être du pain béni. Il faut juste en prendre la mesure.
Un disque dans lequel il a été presque trop facile de rentrer. Je ne m’attendais pas à autant de lumière et d’espace. Manquait un truc, un grain de démence, d’agressivité, cette pulsion incontrôlable qui empêche de penser et bouscule tout sur son passage. Les titres Pamela ou Anywhere symbolisaient cette impression que quelque chose avait changé, comme un manque de niaque, presque trop propre sur soi et posé. Ça passait bien mais rien n’accrochait.
Heureusement, la face B montrait un visage plus violent et abrasif. Ivresse de la dérive. Tropical Beaches Inc. et son court riff final aigu et aliénant et The Mask laminent, invoquent à nouveau Big Black et Godflesh dans un grand bain de sang, les crocs sont revenus. Grandeur et décadence, sentiment d’insécurité qui suinte de partout tout en gardant ce drôle d’éclat beau et aveuglant. Je zappe sans scrupule I Don’t Care If I Burn qui aurait très bien eu sa place sur le dernier Daughters avec uniquement un chant faussement tranquille et ses paroles morbides sur fond de bruitages insignifiants pour passer directement à l’ultime titre à l’étrange nomination, Grimace_Smoking_Weed.Jpeg. Neuf minutes qui font très mal. Un long voyage dans la tête d’un gars qui vit un cauchemar éveillé, un morceau qui marque par la performance du chanteur Raygun Busch (Randy Heyer de son vrai nom) qui semble revivre une sale expérience, totalement habité, pleinement convaincant toujours, parvenant à partager ses peurs qui vous parlent au point de faire croire que ça vous est arrivé à vous. Parfaitement orchestré par une musique qui suit cette descente aux enfers en se désintégrant peu à peu, c’est une compo éprouvante mais essentielle.
Et alors là, vous pouvez rembobiner le fil de l’histoire. Trier le sain du pourri. Chat Pile joue une partition qui évolue. Le malsain est toujours là, Pamela n’est pas si belle que ça, Anywhere sait où il va et tout ça devient encore plus retors car on ne sait plus si c’est un masque ou non. Les mélodies prennent un goût acide. L’apparente froideur file un vrai frisson de panique sans savoir quelle est la menace. La tension qui s’était relâchée revient par des moyens détournés. Et quand débarque Why avec dans le fond un sample de sirène hurlante et c’est pas pour annoncer le printemps, difficile de résister à sa terrible efficacité et sa question récurrente, Why do people have to live outside, hurlée, répétée à la face du monde qui préfère ne rien voir. Le message est clair (contrairement aux restes des paroles qui évoquent des choses bien plus dégueulasses et violentes) tout comme la musique, ça claque, ça découpe, ça casse en deux, ce qui est le cas également de Wicked Puppet Dance. Chat Pile montre qu’il sait aussi désormais écrire des morceaux calibrés, plus directs sans perdre son instinct animal et déviant (ou alors juste un peu).
Avec également Griff Sansone à la guitare, Austin Tackett (basse) et son frère Aaron à la batterie électronique, Chat Pile est toujours cet étrange objet de désir qui met mal à l’aise mais qui attire irrésistiblement. Et si God’s Country n’est pas le disque parfait qui met tout le monde d’accord, il montre que ce groupe est un sacré client avec une vraie personnalité marquant les esprits et capable de parler à un grand nombre de personnes aux chapelles très différentes.







Un an plus tôt, Chat Pile était apparu sur un split single aux cotés de Portrayal Of Guilt. Il serait vraiment dommage de passer sous silence leur morceau tant Brutal Truth est une sacré bombe à leur répertoire. C’est Chat Pile très remonté, méchamment agressif, chargé en toxines charbonneuses, qui avance droit sur sa proie, la piétine, avec un chanteur qui grommelle, un rythme effréné et une guitare dont le riff cisaille en beauté dans les grandes largeurs. Fameux titre. Et comme Portrayal Of Guilt qui a publié lui-même ce disque est également un animal sanguinaire, option diabolique, death et Today Is The Day en plus, on se retrouve en présence d’un bout de vinyle fort recommandable.

SKX (28/09/2022)