pigeon
adagio830


Pigeon
Deny All Knowledge Of Complicity – LP
Adagio 830 records 2021

Pigeon ressort de sa tanière, trois ans après avoir enregistré coup sur coup une cassette (Bug publié en vinyle en 2019) et un premier album. Pour Denes Bieberich (guitare, chant) et Oskar Militzer (basse), l’année 2020 avait été consacrée à leur nouveau projet Liiek. Fort heureusement, Pigeon repointe son museau avec Deny All Knowledge Of Complicity.
Et il est intéressant de constater l’évolution du trio berlinois depuis leur split avec Girlie, passant d’un propos très noisy, pop et échevelé à toujours plus de sécheresse, de rigidité, désossé, tendu, Pigeon semblant désormais faire son nid sans peur sans reproche dans le post-punk. On pourrait même croire à deux groupes différents tant le changement est marquant. Les dissonances de la guitare ne débordent plus de partout au fil des disques. Les griffures sont plus précises, coupantes avec une reverb continue comme un écho sur le passé. La rythmique se replace sur le devant, notamment grâce à une basse agile dans sa raideur et entraînante.
Mais si Pigeon joue avec les codes du post-punk et de ces ancêtres anglais qui en ont fait les beaux jours (tout de noir vêtu comme des corbeaux) au tournant des années 80, Pigeon a la bonne idée d’insister sur la face punk. Et Pigeon n’a pas une mémoire de poisson rouge. Il n’a pas oublié que tous ces vieux groupes post-punk étaient des agités politiques qui ne faisaient pas danser les foules sans les faire réfléchir, en prenant soin de leur mettre les problèmes sous le nez. Et comme les problèmes, c’est toujours pas ce qui manque, Pigeon y va de son couplet en balançant quelques bons glaviots sur la gueule des fachos et des capitalistes. Rien de foncièrement nouveau mais ça fait jamais de mal d’en rajouter une couche. Pigeon veille au grain.
Et n’a pas appelé son second album Deny All Knowledge Of Complicity pour rien. C’est donc un disque direct, énervé, qui file droit mais avec la manière car Pigeon n’a jamais craché sur de bonnes accroches mélodiques pour vous garder dans son giron, avec une guitare qui n’a jamais les notes de trop mais qui sort les bons riffs (comme sur Living Ironically) qui font tout le sel de compos dont le comportement général est en hausse. Car curieusement, si Pigeon semble de plus en plus aller à l’essentiel, les morceaux bénéficient de plus d’impact et de profondeur, du genre à rester en bouche et à vouloir y revenir régulièrement. Pigeon gagne de l’ampleur, survole les fantômes du passé et prend définitivement son envol.

SKX (14/10/2021)