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Moe with Mette Rasmussen and Ikuro Takahashi
Painted – CD
Relative Pitch records 2020

Moe et Mette Rasmussen, c’est une histoire mouvementée qui roule. Quand vous rajoutez Ikuro Takahashi, c’est une histoire à ne pas fermer l’oeil de la nuit. La collaboration entre la saxophoniste danoise Mette Rasmussen et le groupe norvégien Moe n’était pourtant pas un long fleuve tranquille. Question commotion cérébrale, le choc avait été rude, la vision modifiée, la convalescence miraculeuse. Pire, on en redemandait. Ce qui est chose faite avec cette fois-ci le japonais Ikuro Takahashi en lieu et place de l’habituel batteur de Moe, Joakim Heibo. Takahashi, une pointure dans le milieu de la scène expérimentale nippone et dont on ne compte plus les projets dans le domaine noise déviant et rock paradoxal.
L’histoire prend ainsi un virage encore plus free, improvisé, imprévisible, escarpé, périlleux, éruptif. Il va falloir s’accrocher, le gouffre invisible menace constamment d’avaler l’ingénu promeneur mais l’horizon imprenable au-dessus du volcan en furie est à ce prix. Noise hyper spasmodique, free-jazz névrotique, rock transgressé, cette association débouche sur une très violente secousse aux fragrances chaotiques d’une intensité parfois à couper au couteau mais aussi une porte ouverte à de fulgurants tourbillons lumineux. Chacun semble errer dans son coin, hurler à la lune. Mis bout à bout, le regard défiant, l’oreille comprenant, l’osmose traverse les roches les plus rudes. Milliards d’éclats formant une longue langue de feu. La basse comme un tronc d’acier qui gratte martelée nerveusement par Guro Skumsnes Moe qui laisse rarement entendre le son de sa voix. La foudre de la guitare de Havard Skaset semble frapper au hasard et brûle tout ce qui bouge et même ce qui ne bouge pas. La puissance et le pouvoir de nuisance de Moe n’est plus à démontrer. Un nouveau palier est franchit. Le saxo de Rasmussen proteste, fulmine, crie parfois jusqu’à l’étouffement. Et Takahashi déchire tout ça, saccage, trépigne, ne compte jamais les coups, ressac permanent et force motrice qui se régénère par sa propre démence.
Ça donne des corps étranges respirant par tous les pores une soif de donner tout ce que le ventre, centre des émotions, peut jeter dans la bataille. Et c’est plus d’une fois saisissant et pas dénué d’une beauté singulière. Jusqu’à braver les lois de la physique sur les seize minutes de Echo Will You, immense montée d’adrénaline et de tension qui continue d’aller encore plus haut alors qu’il était humainement permis de penser qu’on était déjà rendu tout en haut du haut.
Ça l’air ardu dit comme ça et ça l’est. Mais les sept compositions de Painted forment un tableau d’une multitude de notes possédant un formidable souffle et une énergie férocement rock. Vos tympans ne savent plus où se mettre, le corps se tord, encaisse mais tout devient limpide, évident quand le seuil de douleur est surmonté. Radicalement prenant.

SKX (20/04/2021)