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Moe + Mette Rasmussen
Tolerancia Picante – CD
Conrad Sound records 2019

Moe tous azimuts. Non seulement le trio norvégien sort disque sur disque sous son propre nom, emprunte des chemins de traverse via la série expérimentale Oslo Janus mais il multiplie également les collaborations. Celles avec The Observatory et Lasse Marhaug ont été passées sous silence car trop compliquées et pas concluantes du tout. Par contre, avec Mette Rasmussen, saxophoniste danoise habitant en Norvège, c’est la tectonique des plaques en direct dans ton salon, le mouvement des roches qui provoquent des brasiers incontrôlables, te faire devenir dragon et cracher le feu après avoir goûté Tolerancia Picante. Un titre d’album à coup sûr inspiré de leurs nombreux séjours au Mexique. Moe et Mette Rasmussen testent ta tolérance aux épices les plus fortes avec une musique qui n’autorise pas la modération et les centristes. La première bouchée est la plus dure, il faut un peu de temps avant d’apprécier ces saveurs intenses et complexes mais l’appel du large est à ce prix et l’aventure vaut vraiment le détour au final. Reprends un peu d’eau fraîche.
Guro Skumsnes Moe (basse-chant) et Mette Rasmussen, deux filles auréolées de blondeur, mènent la charge. Et la charge s’annonce libre et pleine d’imprévus, de secousses telluriques et de trépidations phosphorescentes, du free-jazz au pays de la noise, mais avant tout de la musique débordant du cadre, de n’importe quel cadre, de la musique qui malaxe, broie, galvanise et ressemble surtout à un vrai disque de rock âpre, violent et beau, s’éloignant du piège d’une musique trop cérébrale.
Le saxo descend très bas dans les graves ou grimpe dans des hauteurs perçantes. Ça souffle avec rage, c’est radical et renversant. Là encore une histoire d’extrémités et entre les deux, cela peut aussi se calmer, se tendre de mélancolie, se tapir dans une sourde intensité avant de souffler de plus belles dans les bronches.
Moe appelle ainsi toutes les forces du ciel pour faire trembler les corps. Les énormes coups de basse, la frénésie de la batterie en mode tourbillonnaire, les stridences, les fractures de la guitare et le chant tour à tour affamé, parlé ou étrangement mélodique sur I Carry The Mother (Suite Part 1). Un titre s’inscrivant dans un triptyque qui va s’étendre, se répandre, s’insérer sournoisement dans une sombre retenue avec Violently Passive et Story Of A No, seuls passages du disque où il est permis de reprendre ses esprits malgré la noirceur et la singularité des ambiances. Un album déconstruit et fulgurant à l’instar des aliénants City Boy et Crystal Dancer ou de l’urgence crescendo de Introduction.
Un album qui pique la langue, bouffe les entrailles mais un disque qui doit surtout attiser votre curiosité. MoE allié avec Mette Rasmussen qui n’en est pas à sa première collaboration avec le milieu punk-noise (Cocaine Piss par exemple mais aussi les rois du post-rock Godspeed You Black Emperor) frappent fort et juste et Tolerancia Picante va relever de plusieurs degrés votre discothèque.

SKX (21/05/2019)