wolfhounds
aturntablefriend


Wolfhounds
Electric Music – LP
A Turntable Friend records 2020

Le mec qui se prend un gros coup de jus sur la pochette, c’est la réaction de votre humble serviteur la première fois que le single annonciateur Can’t See The Light a éclairé un quotidien post-confinement. C’était comme revenir plus de trente ans en arrière, un flash qui éblouissait à nouveau les premiers tubes de Wolfhounds, un morceau de la trempe de L.A. Juice, The Anti-Midas Touch ou Cruelty, un putain de classique qui a tourné en boucle tout l’été, leur meilleur morceau depuis leur retour en 2012, depuis leur naissance, c’était comme la première fois mais c’est 2020 qui sonne et c’est Wolfhounds qui donne les coups, intemporel et terriblement actuel. Tout est absolument parfait sur ce titre. La mélodie enivrante qui coule dans un bain d’acide, la rythmique pulsant simplement et efficacement, la guitare princière qui fait une chinoiserie et attaque les cordes à bon escient, le refrain qui s’incruste dans la tête comme toute bonne chanson pop qui se respecte et Can’t See The Light qui se répète comme un mauvais pressentiment.
Ce morceau présageait surtout le meilleur et le meilleur on a. Il faut croire que le désordre du monde inspire plus que jamais David Callahan et sa bande. Electric Music vibre d’une multitude de courants porteurs, d’un tourbillon de cordes entre les deux guitares de Callahan et Andrew Golding et accentué par la présence du violon électrique de Paul Warwick sur quasi tous les titres, d’un déluge acéré et noisy qui s’enchevêtre, s’enlace, s’entasse et explose dans des mélodies tissées autant avec de la dentelle que des barbelés. Like Driftwood, c’est un vertige ascensionnel comme Wolfhounds nous a rarement gratifié pour nous envoyer survoler les terres néo-zélandaises et certains groupes de Flying Nun parmi les plus bruyants et abrasifs en trouvant une lumière mélodique dans le tumulte qui hypnotise comme le font les phares d’une bagnole sur les pauvres bêtes tétanisées. Song Of The Afghan Shopkeeper avec entre parenthèse After Ben Judah, du nom d’un journaliste franco-britannique qui a notamment écrit This Is London et qui suggère les paroles de ce titre, est l’occasion d’une mélodie exotico/arabisante sonnant également relativement inédit (et très réussi) pour Wolfhounds qui a ouvert son champ des possibles sur Electric Music et ne s’interdit rien.
On retrouve la voix inimitable de Callahan, le jeu typique de guitares qui a fait la grandeur du groupe, leur sensibilité pop qui rime avec revêche et sévères dissonances, aussi charmeur que perturbateur. Mais il se passe sur Electric Music quelque chose de plus dingue, de plus riche et complet, un art d’emballer tout ça supérieur, un souffle nouveau, des barrières franchies et l’impression très agréable d’être au centre d’une orage où les éclairs viennent de partout et par surprise et que chaque titre est une décharge électrique propulsant dans une nouvelle dimension. Des titres forts et inspirés. Le génial et fin Lightning’s Going To Strike Again et ses guitares piquantes et jouissives concluant une face A de haute volée. ...And Electric Music, dense, intriqué et ne suivant aucune règle. The Roaches, rare moment plus apaisé et poignant avec la sonorité chaleureuse et rassurante du basson de Rhodri Marsden (Scritti Politti, The Keatons). Les deux plus mélodiques Pointless Killing et Stand Apart (avec le concours de la voix angélique de Katherine Mountain Whitaker) qui sont des merveilles de pop songs alertes et intelligentes et enfin, les sept minutes de We Don’t Believe Anything. Un morceau qui pourrait évoquer Moonshake, le groupe de Callahan après la fin de Wolfhounds en 1990. Le comble de cette compo, c’est que, contrairement à tout le reste du disque, Callahan n’y a pas participé. Et personne d’autres d’ailleurs sauf le guitariste Andrew Golding, qui a tout fait, tout composé, les paroles, le chant y compris (mais c’était déjà le cas sur Like Driftwood). Un long passage plus introverti, mélancolique avec plein de bruitages étranges tapissant une toile sonore terminant en beauté un album d’une grande richesse, généreux, inventif et hors-catégorie de la part d’un groupe damant le pion à tous les jeunes et aux autres aussi. Electric Music, gros coup de foudre fait pour durer toute une vie.

SKX (22/09/2020)