ovo
artoffact


Ovo
Miasma – LP
Artoffact records 2020

L’impression qu’un certain nombre de groupes se sont donnés le mot pour nous prévenir mais qu’on a rien vu (ou voulu voir) venir.
Un miasme contagieux provenant des marais les plus reculés entoure les villes et les villages. Il peut s'agir d'une maladie extraterrestre, comme dans un film de science-fiction, ou d'une peur plus profonde causée par celui qui veut nous contrôler, comme dans la vie réelle.
Voilà ce qu’annonçait Ovo pour présenter son nouvel enregistrement quelques semaines avant que la pandémie mondiale envahisse notre quotidien. Miasma est le dixième album du duo italien et leur vision résonne étrangement. Ovo expulse un sale air fétide de la part d’un groupe qui, à l’instar de Human Impact, adresse de mauvais présages qui vont au-delà d’un infâme virus pour colporter une allégorie des diverses menaces qui pèsent au-dessus de nos frêles épaules et défient nos plus élémentaires libertés. Respirez, expirez.
Ovo fête ses vingt ans d’existence. On a beau être prévenu, leur musique est toujours un choc. Surtout depuis que Stefania Pedretti et Bruno Dorella ont entamé leur mue avec Abisso dont l’effet très convaincant s’est prolongé avec Creatura et cogne toujours aussi fort sur Miasma. Un mélange unique de punk/noise/indus/EBM, contaminant les sons et les courants, un ancien sortilège païen, un rituel tribal s’entrechoquant de plein fouet avec un radicalisme électronique et futuriste. Les rythmes primaires de percussions minimalistes, animales et electro. Les samples rampants qui grouillent comme une maladie irréversible. Les sonorités rouillées et métamorphosées de la guitare. Le chant de Stefania Pedretti toujours aussi extrême, transperçant, émanation malsaine qui glace le sang. Mais elle n’est pas toute seule. Kjetil Nernes (Årabrot) pose un très beau spoken-word sur L’Eremita. Gabor, chanteur de Holiday Inn, fusionne sa voix avec Pedretti sur Burn Der Haus sans qu’il soit possible de réellement distinguer qui fait quoi. Par contre, sur Testing My Poise, Ovo a invité la rappeuse serbe Gnucci. S’il est impossible d’avoir des doutes sur le rôle de chacune, le phrasé hip-hop donne un parfum quelque peu bizarre, voir déplacé à l’univers habituel de Ovo.
Mais ceci ne serait détourner le propos général du duo. Miasma frappe à la porte du brasier avec un début d’album particulièrement colérique et expéditif. Avec des pulsations qui tapent dans le béton et des larsens qui sifflent sur Queer Fight. Et mieux vaut ne pas se trouver sur leur passage. Ovo, cypber punk goth de l’enfer. Avec toutes les déviances dont le duo est capable et le venin diabolique qu’il propage dans un air surchargé de noirceur. Mais Ovo n’a jamais été qu’un pitbull impitoyable. Ovo aime se tordre de douleurs dans des ambiances poisseuses, ramper dans des ombres méphitiques. Miasma prend peu à peu le pouls d’une société paranoïaque et anxiogène. Avec les six minutes de l’hypnotisant et gave L’Eremita, faussement reposant et dont la seule compréhension de la moitié des paroles suffit à faire froid dans le dos. Un titre qui trouve son prolongement dans l’éponyme Miasma prenant également tout son temps pour instaurer dans la pesanteur un climat décadent et foutrement angoissant avec un mur de molécules métalliques passées au karsher agissant comme un clap de fin en forme d’apocalypse. Avec toute la théâtralité, la violence élémentaire, le désespoir brut et une approche expérimentale qui ne s’interdit rien dont Ovo a toujours eu l’habitude de soumettre à notre sagacité encore une fois durement éprouvée.
Ovo sans concession et Miasma, un disque idéal pour que la distanciation sociale soit respectée.

SKX (04/05/2020)