ovo
diodrone




Ovo
Creatura - LP
Dio Drone 2016

Le terme créature convient parfaitement à Ovo. Une démoniaque et très singulière créature. Creatura doit être le huitième album depuis 2001 du duo italien qui ne cesse de s'enfoncer dans les boyaux tortueux d'une musique de plus en plus cauchemardesque, flippante et captivante. Ovo ne fera jamais l'unanimité, Creatura ne sera pas le disque de tout le monde, le chant de Stefania Pedretti continuera de faire fuir les âmes sensibles et ceux qui ont besoin de repères dans la vie mais elle s'en tape comme de son premier coiffeur. Ovo assume tout, totalement et a de toute façon bien conscience de son étrangeté. Sur les onze titres de Creatura, trois se nomment Eternal Freak, Freakout et March Of The Freaks. Le message est clair.

Ovo se passe de structures établies et s'offre tout entier dans un bain de textures grumeleuses, noirâtres, explosives pour un album encore plus rythmique et percutant que son prédécesseur Abisso. On en viendrait presque à taper du pied en cadence sur Buco Bianco et à trouver ça entraînant. Mais c'est la seule éclaircie. Avec une sacré paire de guillemets qui s'impose. Ovo embrasse l'esprit de Evangelista en mode extrême et possédé, revu et défolié à l'acide avec une pluie de pulsations mâtes résonnant comme un quartier de viande froide sur lequel on tape avec la puissance d'un désespéré. Un tas de sonorités dont on a du mal à définir la provenance grouillent sous la peau, des samples rajoutent au malaise ou créent un décalage adéquat comme ces voix japonaises sur Matriarcale. Et surtout, tout ça est enveloppé d'une aura de folie et de paranoïa, une camisole de force dans laquelle se débat Ovo, une démence contagieuse avec des télescopages de rythmes, de sons, une basse et une guitare raclées avec un gant de crin et le chant si particulier de Pedretti qui vient du fond de la gorge, et bien au-delà même, une performance de choix qui fait se sentir si petit et perdu.

Et comme depuis Abisso, le duo italien a trouvé le bon équilibre entre expérimentation, sorcellerie et attitude punk, Creatura frappe au plus juste, quelque chose de carré dans leur perversion (Immondo, Bell's Hells). Ovo te met les fers. Sous des allures de grande messe païenne et radicale, Ovo a même augmenté la dose de rock, proposant moins de passages purement ambiants. Les rythmes de Bruno Dorella frappent souvent, régulièrement, méthodiquement, voir frénétiquement, augmentent le rythme cardiaque, provoquent de grosses sueurs froides mais surtout, surtout, ce disque rend complètement marteau, férocement aliénant. C'est leur album le plus raide, le plus tranchant, le plus frappé du bulbe aussi mais Ovo sait pertinemment bien ce qu'il fait et Creatura est une monstrueuse bestiole charmeuse et attirante qui vous broie et vous envoûte dès que vous tombez dans son piège. Laissez vous faire.

SKX (06/04/2017)