generalmen

General Men
GM
self-released 2020

Dire que cet album de General Men était attendu est un doux euphémisme. Il était annoncé pour décembre 2017. Il est sorti en mai 2020. Cherchez l’erreur. Et en plus, uniquement en version numérique. Apprendre que ce groupe australien n’existe plus serait tout sauf une surprise. Il serait donc facile d’ignorer ce groupe et ce nouvel enregistrement ressurgit des entrailles de l’oubli et qui n’intéresse personne mais bordel, c’est General Men.
Depuis la sortie de leur premier album The Drier Months (seulement en numérique là encore…) et d’un single en chair et en os en 2016, ce groupe hante et passionne toutes personnes qui ont eu la chance de se trouver en travers de leur chemin. Cette nouvelle offrande ne va pas faire baisser la tension. Un enregistrement en deux parties. Huit nouveaux titres studios. Sept titres live. On va régler rapidement le sort des morceaux live. Déjà parce qu’aucun inédit n’apparaît avec au contraire, la présence de sept versions des titres studios qui ont défilé juste avant, créant ainsi un phénomène de redite (plus le morceau Australia de l’album précédent). Et ces interprétations en public, aussi bien soient-elles, n’apportent rien de plus à part faire fantasmer sur la possibilité de voir ce groupe un jour en vrai. Dans une autre vie peu-être. On rembobine.
Mis en boite par Max Ducker (Macros, Lost Talk), les nouveaux morceaux sont conformes à l’esprit General Men. Mélange de swamp rock et de post-punk intense et déchirant, une musique qui illumine vivement autant qu’elle vous emmène dans des tréfonds tumultueux et bruyants. Sur les huit, deux sont déjà connus. Think I’m Coming Down et Just Beyond The Suburbs figuraient sur le single. Ils se présentent ici dans des versions retouchées qui sont toujours excellentes mais les versions originales restent pourtant un tantinet supérieures, plus lentes et profondes.
En fait, vous l’aurez compris, tout l’intérêt de cette nouvelle sortie réside dans les six inédits. C’est peu, c’est frustrant et pourtant c’est énorme, on prend sans compter. Six compos belles à se damner, poignantes à tomber, vibrantes à s’électrifier l’épiderme, fiévreuses à s’inoculer la rage. Le blues tourmenté de Come, le swamp de The Drones trempé dans un post-punk chaud comme la braise avec d’intenses spasmes incontrôlables, une façon unique de faire monter l’urgence, d’aller jusqu’au bord du précipice et se jeter dans le vide parce que General Men n’a plus rien à perdre.
Résister à la puissance des arpèges de Red Dirt quand la mélodie prend toute son ampleur au bout d’une minute cinquante est tout bonnement impossible ou alors votre petit cœur a pris la forme du regard bovin du policier (attention, pléonasme). Sur les épaules des deux guitares repose toute la quintessence de General Men. Elles effectuent une nouvelle fois des miracles, décrivent des mélodies qui vous retournent, se mettent à trembler, à siffler, plongent dans les affres du bruit et de la discorde avec parfois un discret synthé à la rescousse pour épaissir ou brouiller les signaux. Et puis vous avez le chant, prépondérant également, à fleur de peau, intense, écorché. Et quand le débit s’accélère, le chant pousse le morceau dans ses derniers retranchements, participe à l’emballement général et vous ne répondez plus de rien. Sublime. Wanker, You Look So Dumb, Curtains, Apartments, Red Dirt bien sûr et juste un cran en-dessous, Low Threshold Matrimony, ce sont les nouveaux morceaux pétris de classe et de rage à connaître par cœur. Et profitez-en à fond, ce sont peut-être bien les derniers de General Men.

SKX (25/05/2020)