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Von Stroheim
Love? Who Gets Love? - CD
Uproar For Veneration records 2019

Dans la tribune offerte à Eugene S. Robinson lisible à l’intérieur du digipack, l’emblématique chanteur d’Oxbow ne parle pas de Von Stroheim comme un groupe doom, qualificatif revenant le plus souvent pour parler du trio belge, mais comme la bande-son du doom. Ce qui ne revient pas du tout à la même chose. Je ne vais pas réfuter les propos d’Eugene, je ne suis pas assez téméraire pour ça.
En fait, cette histoire de doom ne me serait jamais venu à l’esprit si je ne l’avais pas lu à plusieurs reprises (on ne devrait jamais lire les chroniques). Certes, la musique de Von Stroheim ne s’est pas accélérée depuis le premier EP Sing For Blood. Le guitariste Raphaël Rastelli pond deux riffs à la minute et aime l’accordage bas des cordes de son instrument. Sans oublier que la couleur principale et préférée des Bruxellois est le noir. Noir tendance funeste. Mais on s’arrêtera là pour la comparaison avec le doom. Ou alors un sacré paquet de groupes en font sans le savoir.
Love? Who Gets Love?, c’est un vol au ralenti au-dessus d’un nid de maléfices, planant et ténébreux. Les accords de la guitare n’enfoncent pas plus bas que terre, pleins d’une puissance orgueilleuse, même si on la sent là cette force, tapie dans l’ombre, prête à vous ensevelir, empreinte d’une grande gravité. Non, la guitare répand son venin, s’insinue lentement, appuyée par une fine nappe de synthés ou sifflant de pair avec les ondes rampantes d’un thérémine quand ce n’est pas la mélopée aigre-douce du violon de Franz Krostopovic sur Cigarette Smoke. La batterie marque un mouvement plus délié que musclé. Christophe Van Cappellen a laissé le tabouret à John Thys qui lui même a été remplacé par Yannïck Daïf sur deux titres avec à chaque fois un jeu fin et racé, comme si le cahier des charges pour tout ce petit monde était d’accompagner plutôt que cogner, participer à la fausse lenteur sans jouer au bûcheron.
Non, Von Stroheim ne possède pas la lourdeur du doom, ni ses codes, ni ses poncifs. Il tourne autour, en épouse les formes et s’envole dans une direction singulière faite de beaucoup plus de légèreté que de massiveté, presque décharné parfois. C’est bizarrement aérien et lumineux, angoissant, souvent sombrement beau et envoûtant, une affaire d’ambiances construites patiemment, subtilement, avec des coups de butoirs idéalement placés sur Spit ou Red Raw aux rythmes plus accentués et riffs plus charnus.
Et puis vous avez le chant de Dominique Van Cappellen-Waldock, entre diva étrange, vocalises ailées ou proche d’un spoken-work tour à tour fragile, abattu ou intense, une tendance confirmée par la présence de Pete Simonelli (Enablers) sur Pulp, un maître en la matière de chant-parlé, sans oublier la présence aux choeurs de Caroline Blanchet (ex-Choo Choo Shoe Shoot) sur Wire. Un panel vocal large amenant la musique de Von Stroheim dans des sphères uniques, un mélange synonyme de différence salvatrice.
Le feu couve. Le feu se répand inexorablement sur la ville dans la nuit noire. Impossible d’y échapper, telle est cette musique qui prend progressivement possession de votre sommeil. Love? Who Gets Love? Von Stroheim bien sûr !

SKX (04/04/2019)