uzeda
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Uzeda
Quocumque Jeceris Stabit – LP
Temporary Residence records 2019

La patience est une grande vertu quand vous suivez les aventures du couple Giovanna Cacciola/Agostino Tilotta. Neuf ans d’attente pour avoir l’année dernière un nouveau Bellini, leur autre groupe incontournable. Avec Uzeda, leur tout premier groupe démarré en 1991, c’est treize années qu’il a fallu poireauter, soit une éternité, pour avoir une suite à Stella. Quocumque Jeceris Stabit, c’est du latin et ça signifie Où que tu le jettes, il restera debout. C’est la devise de l’île de Man mais c’est surtout une façon de dire pour nos Siciliens préférés, si j’ai bien tout compris l’histoire, que Uzeda est toujours là, après presque trente ans de service, vaille que vaille, malgré les tempêtes, malgré le temps qui file et que Uzeda est plus fort que toi. Ce que je veux bien croire.
Jamais Uzeda n’avait été aussi grand. Et beau. Une plus-value émotionnelle sur leur noise-rock à part égale entre l’angularité du style et les mélodies qui n’ont jamais été aussi riches et saisissantes. Rien que le morceau Mistakes devrait mettre tout le monde d’accord. Et le mérite en revient d’abord à Giovanna Cacciola. Son chant au bout de deux minutes trente, quand le morceau bascule dans une dimension supérieure, quand elle va chercher au plus profond d’elle même, dans ses failles, ses blessures, ses erreurs qui résonnent en vous et qu’elle semble forcer sa voix est juste sublime et vous arrache un cri larmoyant. C’est la combustion spontanée avec une mélodie ne cessant de monter dans l’intensité, une impeccable pureté rugueuse, l’incendie généralisé.
Et c’est tout l’album qui vibre d’une tension identique à se damner. Le chant est magistral. On ne sait plus très bien si c’est elle qui est au service des compos ou si c’est tout le groupe qui sert d’écrin pour cette grande performance mais les quatre Italiens sont en parfaite osmose, chacun des huit morceaux représentant un sommet inégalable. Uzeda est arrivé à simplifier sa musique, la rendre plus marquante, percutante sans céder un pouce à la facilité. Les deux morceaux les plus longs au-delà des cinq minutes (Deep Blue Sea et Red) coulent de source, ne se perdent jamais en complexité malgré les différents niveaux d’agressivité, entre le pugnace et le poignant, entre la rugosité et une mélancolie prégnante. Là encore, deux titres qui vous retournent comme une crêpe.
Et si on n’est pas avare d’éloges sur le chant, que dire du guitariste Agostino Tilotta. Ce gars là possède le feu sacré entre les doigts. Ces riffs/arpèges sont divins, mettraient le feu à n’importe quelle banquise qui en ont pourtant pas besoin pour fondre, une inventivité et un talent que l’on cite à chaque fois qu’il sort un disque, on ne sait plus quoi dire de plus à son propos mais sur Quocumque Jeceris Stabit, c’est une nouvelle fois le grand jeu rendant tous les morceaux un peu plus uniques et charismatiques.
L’enregistrement étant confié comme d’habitude à Steve Albini qui reste un maître pour faire sonner et mettre en valeur une section rythmique (Raffaele Gulisano, basse et Davide Oliveri, batterie) impeccable de souplesse et de vélocité, le titre Quocumque Jeceris Stabit se justifie pleinement. Rien ne peut arriver à un Uzeda totalement sublimé.
C’est le disque de la rentrée qui a été le disque de l’été qui finira par être le disque de l’année.

SKX (02/09/2019)