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Rat The Magnificent
The Body As Pleasure – LP
TTWD records 2018


Lors de leur mini tournée en France au printemps dernier qui s’était arrêtée à Rennes au Bar’Hic le 29 mai, les Anglais de Pascagoula avait emmené dans ses bagages leurs compatriotes de Rat The Magnificent. Et ce fut une belle découverte. Qui hélas va tourner court puisque le quatuor de Londres a annoncé officiellement le 26 juillet que Rat The Magnificent n’était plus de ce monde.
Leur ultime offrande, trois titres dont deux enregistrés par Steve Albini, publiés sous le nom de Sleep Tight Xx et téléchargeable gratuitement su leur bandcamp. Tout comme leur album qui sera donc unique. Sur le plan comptable mais pourquoi pas, sur le plan musical également. Ce n’est pas une originalité à couper le souffle, du domaine du jamais entendu ou l’inventeur d’un nouveau style mais la façon dont Rat The Magnificent a rassemblé ses influences pour construire son propre univers positionne The Body As Pleasure comme un disque assez personnel. Et le fait qu’il ne soit pas facile à décrire, à faire rentrer dans une case bien pratique, provocant des émotions multiples et parfois contradictoires sont autant de signes positifs allant dans le sens d’une musique qui n’appartenait qu’à eux.
Une musique qui vole avec une réussite égale entre la lourdeur et la légèreté, entre une basse typée noise-rock qui racle la peau et une sensibilité mélodique très prononcée, des morceaux trépignant d’impatience et des ballades à la lenteur vénéneuse s’écrasant sous le poids de leur propre désespoir. Et l’ensemble est marqué par le chant très spécifique de Perry Anderson. Une voix sur la corde raide évoluant dans un registre haut à la manière d’un Thom Yorke. Cela ne va sans doute pas être l’affaire de tout le monde mais ce chant donne assurément un caractère urgent, fragile, une couleur particulière s’inscrivant parfaitement dans la dynamique des compos.
Il est question d’espace, de volume, de balance entre tension sourde, puissantes et longues déflagrations, lentes et implacables montées d’adrénaline, deux guitares entre arpèges qui donnent la chair de poules ou riffs d’acier, un équilibre finement élaboré pour dix morceaux possédant chacun une nature bien trempée. Et une pelleté d’hymnes underground qui ne demandaient qu’à exploser à la face du monde. Rien que le quatuor d’entrée In The Middle, Marrtalon, Up The Street et le magnifiquement rageur Where You Been valent le déplacement. Ensuite, The Body As Pleasure prend la tangente vers des ambiances plus étranges, planantes, tordues mais tout aussi prenantes (les longs The For et The Parlour), comme des blues électriques dégingandés et mélancoliquement scintillants, invoquant aussi bien les fantômes de Chokebore et Lowercase que Unwound avec des titres comme The Inevitable qui a de quoi retourner ton petit cœur de rocker avant de terminer par Panarron qui crépite comme un feu triste annonçant une mort prématurée. Car cette histoire est désormais du passé et n’aura pas eu l’écho mérité mais il est toujours possible de garder une petite place bien au chaud pour The Body As Pleasure.

SKX (28/09/2019)