dewaere
bigout
phantom



Dewaere
Slot Logic – LP
Phantom/Bigoût records 2018

Dewaere, comme Patrick, l’acteur né à St Brieuc et où il n’a vécu que les premiers mois de sa vie avant d’aller vivre à Paris. Suffisant pour qu’un groupe originaire de la préfecture des Côtes d’Armor opte pour ce patronyme célèbre. Mais il ne va pas être question de carnets mondains. On va causer rock balancé à la sulfateuse qui rime avec valseuse pour choquer le bourgeois et surtout décomplexer le noiseux qui va pouvoir se décontracter le gland en toute quiétude.
Car Slot Logic est punk, est noise, fait beaucoup de bordel mais le fait à la fraîche, sans se prendre la tête, à fond les ballons avec entrain et un sourire acide, très spontané dans sa fureur. Et le chanteur Maxwell James Farrington est pour beaucoup dans cette perception décalée du punk-noise de Dewaere, à l’image du personnage rencontré lors d’un concert, le deuxième de leur très courte vie, à Rennes le 2 mars dernier (en compagnie d’Alabaster). Un Australien perdu en Bretagne qui chante comme si plusieurs personnes habitaient dans sa tête. Des manières très variées de poser sa voix. Surtout une, qui donne tout le piment et l’originalité de la noise de Dewaere. Un chant de crooner insolent, un chant retentissant, charismatique, clairement audible, loin des beuglements abrupts qu’il est aussi capable de fournir, alimentant le feu des mélodies quand ce n’est pas lui qui allume le bûcher, domptant le tumulte de ces comparses musiciens, surfant au-dessus de la houle, déclamant ses drôles de paroles en faisant fi des codes qui l’entoure, seul dans son monde, comme s’il n’était pas au courant qu’il jouait dans un groupe de punk-noise furibard.

Parce que derrière, les trois autres envoient au lance-flamme des morceaux sauvagement incendiaires avec notamment le guitariste (Julien Henry) au jeu tout en larsen, triturations, déchiquetages, sifflements, saturations crasses. Il faut toute la puissance d’une section rythmique pour assurer les fondations avec une basse (Marc Aumont) plus mélodique que la moyenne et un batteur (Hugues Le Corre) méchamment carré, qui avait fait les beaux jours de The Flying Worker, groupe d’emo-violence bien connu à Rennes au début des années 2000 et aussi le plus expérimenté avec ses multiples projets (en cours ou défunts comme 12XU, Neige Morte, Veuve S.S.). Des morceaux uppercuts, furieusement entraînants, délicieusement dégénérés, frénétiquement mélodiques, régulièrement emmener au pas de charge. Vous serez en apnée, malmenés mais heureux de votre sort, réjouis sous le déluge. Seul un morceau ne donne pas envie de rigoler, il s’appelle October. Plus de six minutes funestement tourmentées, harcelées par de noires et infâmes obsessions, sur un rythme lancinant, une guitare qui crie sa détresse, franchit la ligne rouge du bruit blanc. Une approche différente qui sied merveilleusement bien à Dewaere. Avec un son dense et puissant mis en boite à la maison par le guitariste (sauf pour la batterie), Slot Logic signe l’entrée tonitruante dans le paysage d’un groupe qui ne va avoir aucun mal à se faire un nom.

SKX (27/03/2019)