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Phoenician Drive
s/t – LP
Exag', S.K. Records 2018

Il faut savoir aller au-delà de cette pochette qui fait peur et qui va attirer tous les curés pédophiles comme il faut savoir aller plus loin que votre amour inaltérable pour le rock et les saturations. Phoenician Drive est un groupe de six musiciens belges (pas tous de naissance) œuvrant dans le métissage musical sauvage, celui qui remet en cause vos croyances et défrise votre petite tête de premier communiant.
Découvert l'année précédente par le 10'' Two Coins, Phoenician Drive continue de labourer les terres de l'exotisme, des mélodies orientales, des rythmes des Balkans et inversement, malmène les traditions de pays lointains, teste la tectonique des plaques avec un numéro d'équilibriste entre Europe, Asie et Afrique tout en essayant de garder une énergie rock. L'effet transe de derviches tourneurs hypnotisés par le krautrock s'est atténué dans des compositions plus brèves au profit d'une coloration folklorique accentuée. On peut regretter que ces traces psychédéliques bruyantes soient moins prégnantes mais la force des mélodies dépaysantes et l'entrain général conservent un important pouvoir d'attraction.
Difficile en effet de résister à la fougue d'un Almadraba qui évolue dans une structure rock et donne envie de faire sa valise d'entrée de jeu. La suite, c'est le sirtaki à cloche pied, les roucoulades au clair de lune, des envolées célestes (le bien nommé Paradise In My Veins), de l'adrénaline sans électricité, des mélodies fines, le surf à portée de main (Bicky Beach), le voyage sans bouger du canapé. La darbouka s'emballe, la batterie prend le pas, le groove est incessant, l'oud et le banjo se mettent au diapason, agiles et nerveux, les guitares se mélangent sans plus savoir qui fait quoi au final. Histoire de cordes pour un dialogue hypnotisant. Un disque qui possède également une allure de bande-son d'un film de Kusturica, la folie qui guette et son corollaire jamais loin avec la mélancolie qui vous envahit, de subtils moments beaux et graves (Musselove et tout le début de Slowfish), ne plus savoir où on habite.
Phoenician Drive a une nouvelle fois réussi son pari de marier orient et occident, nord et sud en évitant le traquenard du gentil blanc qui s'essaye à la musique de là-bas, de la world music festive et du trop plein de bons sentiments dégoulinants. Ce disque sublime les courants musicaux, possède de la moelle, du nerf, de la générosité et une richesse qui s'adresse au plus grand nombre si vous êtes suffisamment ouvert d'esprit. Allume un cierge.

SKX (07/12/2018)