heads
thischarmingman


Heads.
Collider – LP
This Charming Man records 2018

Heads n'est pas du genre à distribuer des coups de boule. Leur noise-rock, le trio basé à Berlin l'aime sur du velours avec des taquets à bon escient. Voir sans taquet du tout. Un noise-rock sans odeur de baston mais qu'on sent prêt à exploser à n'importe quel moment. Un noise-rock mélancolique, mélodique, allons même jusqu'au qualificatif de beau et sensible parfois. Un comble pour du noise-rock qui se doit d'être dur, anguleux, intraitable rythmiquement et taillé pour des hommes de la steppe au regard d'acier. Ce qu'il est aussi. Un noise-rock narratif qui ne beugle pas sa rage mais la diffuse par la voix grave et posée de Ed Fraser. Heads, c'est du noise-rock hybride qui va bien au-delà de cette étiquette réductrice. L'important, c'est qu'il touche le palpitant et fait vibrer les muscles.
Après un premier six titres publié en 2015, Collider est un album qui voit Heads étaler de toute une classe son langage entre deux eaux. Pour l'aider, Heads s'est entouré de toute une ribambelle d'invités. Kevin Whitley (Cherubs) qui fait entendre notamment sa voix sur le refrain de Smile. Emilie Zoë (Autisti) pour des backing vocals sur Wolves At The Door, morceau où apparaît des claviers dont un mellotron joués par le batteur Peter Voigtmann. Luc Hess (Coilguns, Closet Disco Queen) apporte sa contribution à la batterie sur To Call And Let It Ring et Youth, dernier morceau avec Paul Roth au saxophone, sans oublier Fabian Bremer (Radare, Actress). Et la touche finale, mixage et mastérisation par Magnus Lindberg (Cult Of Luna).
L'atmosphère est toute aussi prépondérante que la rythmique qui cogne. Je me souviens encore de l'ampli basse de quatre étages de Chris Breuer qui avait envahit le Bar'Hic à Rennes en juin 2016. Cette sonorité imposante se retrouve impeccablement sur Collider. La batterie sonne comme si un binocleux de Chicago s'était chargé de la mettre en boite (très beau boulot de Jan Kerscher). Le socle est indéboulonnable, nous voilà rassurés. Après, Heads le malaxe à sa sauce, soupèse, sous-entend, développe des mélodies souterraines ou en plein jour (Heads n'a pas peur de la clarté et d'afficher ses émois), est à l'affût et délivre de splendides compositions (Wolves At The Door, Samsa, Youth, To Call And Let It Ring, le tendu Mannequin ou Last Gasp Shout malgré une tirade de guitare un brin crispante), tout en force tranquille, sobrement poignante et en failles palpables dans lesquelles il est bon de s'y glisser, se laisser aller.
Heads, c'est la rencontre idéale entre Slint et (le meilleur de) Shellac. Des titres finement élaborés, travaillés dans la subtilité, à la violence sous-jacente, d'un noir lumineux. C'est à écouter fort, très fort, pour que toute la puissance et la lourdeur de Collider vous percute de plein fouet, s'empare de chaque centimètre de votre peau, que chaque déflagration de riffs coule directement dans les veines. En physique, le collider est un appareil servant à faire entrer des particules en collision. Dans les mains de Heads, cela donne une gerbe d'électricité habilement intense, introspective, flamboyante et assez singulière.

SKX (20/04/2018)