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Great Falls
A Sense Of Rest – 2xLPs
Corpse Flower/Throatruiner records 2018

N'y allons pas par quatre chemins et tuons le suspens dès le début, Great Falls vient de sortir son meilleur album. C'est le quatrième et c'est un coup de maître. Point de révolution en vue pourtant dans la mire de Great Falls mais le trio de Seattle s'est sublimé, bonifié sur l'autel d'un noise-hardcore de catégorie très supérieure. La première raison, c'est le son. Confier l'enregistrement à Scott Evans était une riche idée. On a suffisamment vanter le dernier Kowlooon Walled City pour ne pas à nouveau saluer son travail sur A Sense Of Rest qui sonne merveilleusement bien. Puissant, frontal tout en étant aéré, chaleureux, le son de ce disque vous enveloppe autant qu'il vous irradie. En plus, ce bon vieux Tad Doyle est venu mettre son grain de sel avec de l'additional recording (?) et aussi des backing vocals sur Not-For-Sale Bodies (sans oublier Rachel Lynch sur The Accelerationnist). Great Falls pouvait ainsi couler des jours heureux et se laisser aller, leurs morceaux étaient entre de bonnes mains et jamais ils n'ont été aussi abrasifs.

Great Falls s'est lâché, a donné tout ce qu'il avait dans le bide et accouché de titres monstrueux. A commencer par les presque quinze minutes de We Speak In Lowercase occupant toute la face B de ce double album qui en dure cinquante. Une longue montée de flammes venant lécher le paradis, explosant littéralement la tête quand rendu à la moitié, les chants se dédoublent, se triplent, vous envahissent de partout avec la mélodie qui décolle, le rythme qui part, les yeux sortant des orbites. Je pourrais écouter ce passage indéfiniment. Épique morceau, force de la nature. On est peu de choses.
Les sept autres compositions sont à chaque fois un moment de bravoure, un condensé et un sommet d'intensité collant comme une seconde peau à Great Falls. On pourrait rajouter tout un tas de qualificatifs qui existaient sur le précédent album The Fever Shed mais la résonance est nouvelle. Toujours aussi fracturé mais plus fluide dans le mouvement général, A Sense Of Rest est punitif, ensorcelant, puissamment émotionnel, plus écorché que jamais avec cette voix de damné de Demian Johnston. La basse de Shane Melhing est un monument dont l'écho vous poursuit bien longtemps après la fin du disque et le jeu de batterie de Phil Petrocelli est d'une lourdeur et d'une précision diabolique.
A Sense Of Rest
est plus que violent, il en devient beau et fascinant au même titre que Post Self de Godflesh, quand un groupe arrive à dépasser ses prérogatives et ses caractéristiques initiales, à rentrer dans une nouvelle dimension alors qu'il n'a pas foncièrement changé la donne et le décor. Une histoire de détails, de légers réajustements, un écrin à sa taille enfin trouvé. A Sense Of Rest n'est pas ce qu'on peut appeler exactement de tout repos mais il prend tout son sens si son titre signifie avoir trouvé la plénitude dans un savoir-faire que le groupe remet en jeu chaque fois, une foi indéboulonnable pour un style de musique que les membres pratiquent depuis des années et des années au sein de précédentes formations (Playing Enemy, Kiss It Goodbye) et qui atteint son firmament sur cet album.
Dans la catégorie déménageur/scarificateur/punisseur qui ont vu la Lumière, aux cotés de Ken Mode et Coilguns, Great Falls est le grand gagnant de cette année.

SKX (20/12/2018)