godflesh
avalanche


Godflesh
Post Self – LP
Avalanche records 2017

2017 a montré qu'il fallait toujours compter sur les vieux avec un Unsane grand cru et un Oxbow continuant à aller de l'avant. Après trente ans d'existence et une imposante discographie, Godflesh n'est pas en rade d'idées et prouve avec Post Self que la remise en route des machines après un long hiatus de treize années n'était pas vaine. Au même titre que les Swans.
Mais contrairement à l'album A World Lit Only By Fire qui n'avait rien d'un tour de chauffe, Godflesh amène Post Self sur d'autres plates-bandes ne ressemblant pas à des autoroutes tracées d'avance pour le metal-industrel dominateur et puissamment charpenté du duo de Birmingham. C'est vrai qu'il y en a et pas que de la betterave, des titres qui flinguent et dès l'ouverture des hostilités. Post Self (le morceau), Parasite (à noter d'ailleurs une erreur au verso de la pochette, Parasite étant indiqué en troisième position mais c'est bien le deuxième titre) et No Body, c'est du Godflesh filière historique, basse lourde et écrasante, boite à rythme martiale, groove punitif, guitare fielleuse, voix trafiquée de Justin Broadrick, grondante et malsaine comme rarement. Avec un surplus de saletés, de nocifs grésillements qui démangent et de grisaille nébuleuse enrobant, perturbant le gros son comme dans un doux cauchemar. Godflesh n'est pas du genre à s'attendrir avec l'âge. Cette triplette d'ouverture est brutale et redoutable.

Ensuite, le duo prend la tangente, s'enfonce dans les méandres d'une musique plus étrange, expérimentale, flippante tout en restant du Godflesh. Une sensation bizarre d'une musique devenant aussi asphyxiante que lumineuse. Mirror Of Finite Light et encore plus Be God ne cherchent pas la confrontation directe, créant de ce fait un malaise plus insondable, une chute sans fond, miroir déformée renvoyant une lumière aveuglante et très sombre. Un épais manteau flottant sur des basses dont l'écho se répercute sur l'infini. Le chant devient une entité mystérieuse, un matériau sonore comme une nappe malfaisante. La boite à rythme n’assomme plus, elle louvoie, indique le décompte final et définitif, voir s'efface. Ce Godflesh là est également redoutable. Et beau, adjectif surprenant à utiliser pour décrire le monde de Godflesh. Pourtant, Post Self irradie d'une force nouvelle, d'un coin de ciel bleu derrière un ange noir à l'instar de la pochette, un sentiment dérangeant, triste, anxiogène mais aussi porteur d'espoir.
Les deux titres ouvrant la face B, The Cyclic End et surtout le subjuguant Pre Self, participent à cette hypnose des bas-fonds. Il n'est plus question de se casser la nuque sur une rythmique de plomb et des basses ravageuses bien que l'impression de lourdeur est fortement prégnante. Et la suite est à l'avenant avec Mortality Sorrow, In Your Shadow et l’envoûtant The Infinite End terminant Post Self dans une noirceur dépressive donnant autant envie de s'envoler et disparaître que de creuser sa propre tombe. Godflesh n'est jamais sans doute aller aussi loin dans la construction de paysage atmosphérique et pratiquement instrumental, à l'approche plus machine & synthétique.
Le cahier des charges a été modifié. Pas sûr que les fans de base de Godflesh se retrouvent sur la longueur de l'album. Ce neuvième album est pourtant une perle, la preuve que Godflesh a encore toute sa pertinence de nos jours, que le duo ne cherche pas la facilité en répétant les vieilles recettes, innove tout en restant Godflesh, un groupe primordial.

SKX (08/01/2018)