godflesh
avalanche





Godflesh
A World Lit Only By Fire – LP
Avalanche recordings 2014

Bon allez, je ne vais pas me laisser impressionner par Decline & Fall, décevant EP publié un peu plus tôt cette année par Godflesh et coup d’envoi du retour discographique du duo de Birmingham. Quatre titres tellement prévisibles qu’ils n’arrivent pas à concrétiser le bonheur légitime que tout fan de Godflesh devrait pourtant ressentir depuis la résurrection de son groupe fétiche. En réécoutant cet EP, je me rends compte que le temps n’y fait rien et que je n’ai toujours pas changé d’avis : Decline & Fall est ni bon ni mauvais mais plat et convenu donc il m’ennuie terriblement. Presque tout le contraire à dire vrai d’A World Lit Only By Fire, l’album que Godflesh a publié dans la foulée.
Pourtant les deux disques paraissent extrêmement similaires : la production d’A World Lit Only By Fire est elle aussi monumentale – voire encore plus et surtout d’une grande épure – et ses dix compositions renvoient au Godflesh lourd, puissant, malsain et méticuleusement primitif. Même l’artwork recycle une nouvelle fois l’imagerie du groupe, crucifix compris. De prime abord les deux disques ont donc été fondus dans le même moule et seul un aveuglement esthétique lié à une mauvaise foi certaine pourrait permettre de les distinguer. C’est pourtant ce que je vais tenter de faire juste après, bien que la mauvaise foi ne soit définitivement pas mon genre.
La grande différence, moi je vous le dit, est que sur A World Lit Only By Fire il n’y a presque aucun moment de faiblesse à l’horizon et même de nombreuses fulgurances telles que le tiercé introductif du disque, un tiercé constitué du terrifiant New Dark Ages, de l’intraitable Deadend et du basique mais irrésistible Shut Me down. Sans oublier Obeyed, en forme d’apologie de la noirceur plombée. Ces dix nouveaux titres n’apportent toujours rien à l’héritage Godflesh, certains sont même dispensables et rébarbatifs au possible (Curse Us All, Imperator et Carrion par exemple, même si ce dernier s’améliore quelque peu sur sa fin) mais pour ce nouvel album Justin Broadrick et BC Green ont arrêté de se regarder le nombril et ont produit de réels efforts pour nous pondre respectivement des riffs de guitare qui se tiennent à nouveau (parce que jouant sur la simplicité) et des lignes de basse dantesques et ultra-dominatrices – sans compter la programmation de la boite-à-rythmes qui se révèle proprement diabolique.
Un sursaut d’orgueil (un bonheur de groupe retrouvé ?) qui fait toute la différence et évite au petit fan d’arrêter trop vite l’écoute de A World Lit Only By Fire pour mettre à la place Streetcleaner, Pure, Songs Of Love And Hate ou – pourquoi pas – Us And Them dans le mange-disques. Et il fait bien d’insister le petit fan, parce que toute la fin de l’album tourne peu à peu au prodige dantesque et à l’enfer sonore : l’adipeux Towers of Emptiness et le monstrueux et fascinant Forgive Our Fathers (et son final avec voix d’ange déchu qui fait du pied à Jesu, l’autre projet de Broadrick…) sont le duo gagnant d’un disque qui à défaut de faire dans la dentelle et le renouveau refile de sacrés frissons.

Hazam (21/10/2014)