yowie
skingraft


Yowie
Synchromysticism - CD
Skin Graft 2017

Se lancer à l'écoute, pour ne pas dire à l'assaut, d'un album de Yowie, demande une bonne dose de courage ou d’inconscience. C'est qu'on a encore en mémoire les deux albums précédents, surtout le dernier en date Damning With Faint Praise, et même s'il remonte déjà à cinq ans, le corps n'oublie jamais. Yowie, c'est de l'instrumental pataphysique, c'est plus que du math-rock dans lequel les fainéants les enferment trop facilement, c'est du free-jazz joué par des punks psychopathes contents de leur coup, c'est une grande kermesse de gamins attardés qui ne suivent pas le courant, qui font tout pour le contrarier et emmerder tous les réactionnaires qui aiment que ça file droit et veulent comprendre quelque chose à l'histoire.
Yowie ne va donc pas encore se faire que des amis avec Synchromysticism. Un troisième album contenant comme d'habitude son lot de rythmes contradictoires, de rythmes qui se chevauchent (le surnom du batteur est Defenestrator, ce n'est pas un hasard), de structures labyrinthiques, de cassures nettes et violentes pour repartir à l'opposé, de deux guitares défiant les lois de l'apesanteur en inventant une nouvelle gestuelle des doigts non répertoriée dans La guitare pour les nuls. Et à ce petit jeu là, le nouveau guitariste Christopher Trull, ex-guitariste de Grand Ulena, n'est pas le cancre du fond de la classe à se la couler douce près du radiateur. Magnifiques passes d'armes qui liquéfient les narines. Le son est brut, ça gratte, ça irrite, avec un minimum d'effets. Ces trois là se trouvent les yeux fermés.
Cependant, dans toute sa douce folie, Synchromysticism est plus intense et franc du collier que son prédécesseur. Il est toujours aussi difficile de distinguer un morceau d'un autre tant les plans s’enchaînent sans le mode d'emploi, sans changement d'ambiance, sans mélodie à laquelle se raccrocher. Yowie en fait toutefois moins et évite la surenchère stérile. Le trio de St. Louis (Missouri) est même capable de mettre de bons coups de pression, d'amener son bordel par palier dans les tours infernales de l'intensité et de la convulsion qui pète un plomb. Bref, Yowie n'oublie pas que c'est avant tout de rock dont il est question et même si c'est encore loin des standards du style, Synchromysticism comporte de grandioses moments carrés qui claquent, hypnotisent et laissent à bout de souffle, des joutes diaboliques dont ils ont le secret et qu'ils servent avec moins de complexités qu'auparavant. Trois musiciens virtuoses qui envoient, jouant pour le plaisir et qui arrivent à le communiquer plutôt que d'en mettre plein la vue.
Ça reste quand même un album pour adulte averti et consentant mais dans ce style de musique pour grands malades qui a vu de nombreux patients fréquentés ces couloirs blancs et hystériques, Yowie est une valeur sûre.

SKX (12/05/2017)