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vacantfulfilment


Nitkowski
Effortless Charm – LP
Vacant Fulfillment/Triple Jump/Dinner And A Show 2016

Il est des albums demandant un temps d'adaptation, nécessitant d'avoir une vision globale pour en apprécier tous les détails, vous laissant perdu à la périphérie tout en sachant pertinemment bien que vous allez finir par y pénétrer et ne plus jamais les quitter. Effortless Charm est de cette trempe. Et son titre est trompeur car son charme se mérite. Rien n'est donné chez Nitkowski mais au bout de l'effort, la récompense est là et elle est grandiose. En même temps, pour toutes les personnes familières avec le noise-rock complexe et déconstruit, l'effort sera moindre. Mais mieux vaut prévenir que guérir.
Cinq ans que le groupe anglais n'avait donné signe de vie, depuis un Stay In The Home You Love fort recommandable. Cinq années que Nitkowski a mis à profit pour monter le niveau d'un cran considérable et peaufiner chaque réglage d'une nouvelle ambition. A l'instar du Vega In The Lyre de Hands Up Who Wants To Die, Effortless Charm joue sur les volumes, les reliefs, les contrastes, les silences qui filent des frissons. Et avec le recrutement d'un quatrième membre aux synthés, la palette sonore s'enrichit d'un instrument qui n'est pas là pour faire de la figuration. L'ambiance se drape d'un voile plus sombre et expérimental, dévie vers des drones inquiétants, s'intercale entre les deux guitares pour perturber le dialogue et élever le débat.
Nitkowski a pris de l'ampleur et de la profondeur. Le jeu s'est durci. Les structures sont de plus en plus machiavéliques, piégeuses, déroutantes. Effortless Charm pourrait ainsi se révéler plus cérébral et froid, ce qu'il est aussi, mais toute la force de Nitkowski est d'avoir su garder des fulgurances, des coups de butoir qui calment, être poignant et parler aux tripes (Broken Rites) avec notamment ce chant de plus en plus présent, intense et torturé, qu'il soit hurlé ou parlé. Au point de faire penser à Colossamite sur Burn Wood, Make Lye, d'associer dans un même élan fiévreux le désir d'une musique free et les exigences carrées du rock avec une réussite bluffante. Un peu comme The Conformists mais sans les facilités d'usage.
Les huit titres sont relativement longs pour tisser une toile dans laquelle il est bon se tordre, s'émouvoir, se faire sévèrement secouer. Two Inches Off The Floor et Careers In Cartography sont ainsi des pièces très représentatives de cette nouvelle approche de Nitkowski qui renvoie le math-rock à ses études en l'amenant dans des sphères plus étourdissantes et mystérieuses. Effortless Charm n'est pas une vaine succession de plans labyrinthiques. C'est une réelle construction intelligente qui varie les ambiances, les rythmes, les coups de griffes, s'amuse avec les répétitions, joue avec les nerfs, fonce dans le tas pour transcender l'auditeur, l'amener dans l'inconfort avec le souci de ne jamais le perdre en route et le faire pleurer de bonheur à la fin quand il aura enfin vu la lumière. Un disque qui est loin d'avoir épuiser toutes ses réserves et ses secrets. Du très grand art pour un très grand disque de noise-rock.

SKX (07/02/2017)