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Roji
The Hundred Headed Women – CD
Shhpuma/Clean Feed 2016

Roji est le terme japonais pour dire sol humide ou couvert de rosée. Ce qui ne signifie pas que ce groupe évolue sur un terrain glissant. Du solide figure au générique de Roji. Jörg A. Schneider, le prodigieux batteur de Nicoffeine et Jealousy Mountain Duo, prête une nouvelle fois son talent au service d'un duo. Le portugais Gonçalo Almeida est son nouvel acolyte et c'est armé d'une basse qu'il va guerroyer avec Schneider. Mais ce duo est loin d'être seul. Deux invités sont de la partie et comme ils jouent sur six des sept titres de The Hundred Headed Women, cela ne fait au final qu'un seul (court) morceau (2 Sisters) où le duo est vraiment un duo. Les deux invités sont Susana Santos Silva (trompette) et Colin Webster (saxophone baryton). Tout ce petit monde va offrir un élégant spectacle de free-noise-jazz instrumental à l'allure improvisée mais qui n'en rajoute pas dans le domaine obscurantiste. Vous pouvez donc rester.
En fait, on retrouve chez Roji un éclat similaire à Jealousy Mountain Duo. Outre le jeu tout en crépitement de Schneider, Roji parsème ses tirades de lumière et de moments propices à l'évasion. Almeida n'abuse pas de sa pédale loop, construit patiemment des textures à l'aura sombre et mélancolique, prend le temps de respirer, de dialoguer avec son batteur dont le rythme peut également suivre un mouvement plus apaisé et tout en touché. Ce qui n'empêche pas Roji de ruer également dans les brancards, poussé par la trompette ou le saxo (les deux cuivres ne jouent jamais sur le même morceau). Quand la caravane se met en branle, que tout le monde souffle dans un sens identique, les braises rougeoyantes gagnent en température et volent dans toutes les directions. Surtout quand la gravité du sax baryton est dans la place. Webster joue une carte beaucoup plus free avec couinements et envolées fulminantes alors que la trompette se situe dans un registre plus mélodique, posant en douceur sur les structures sa belle sonorité envoûtante. Sounding Restraint ou Prelude To A Broken Sax, ce sont donc des compos homériques sur lesquelles le saxo prend le galop avec le couple basse/batterie (mais plane en douceur sur Pacific). Au contraire, la trompette illumine le ciel ombragé d'Inner Roji ou le splendide final crépusculaire de neuf minutes qui a donné son titre à l'album avec des coups de basse ténébreux et en contrepoint, ce rythme trépidant de batterie pour garder les pieds sur terre, cette nervosité et fluidité sous-jacente propre à Schneider qui n'en fait jamais trop, à l'instar de cet album dont l'équilibre entre ruades free et parties harmonieuses sonne équitablement. Roji, ça glisse tout seul.

SKX (22/09/2016)