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Noyades
Go Fast – LP
Degelite/Jungle Khôl/Kandala/Rejuvenation/S.K. records 2016

Et bien voilà : c’est doublement de ma faute. Tu peux pas savoir comment c’est chiant de chroniquer un disque plusieurs fois. Mais quand le grand patron de Perte Et Fracas, toujours un peu fourbe, m’avait demandé il y a longtemps déjà si je ne voulais pas parler du premier album de Noyades, j’avais instantanément répondu oui. Évidemment. Je sais bien que lui il n’aime pas trop la musique de hippies électriques et qu’ainsi il se débarrassait à bon compte d’une corvée. En revanche, ce que je ne savais pas encore c’est qu’entretemps j’allais m’épancher sur ce même disque, ailleurs, et contre rémunération bien sûr. Tout comme j’ai eu un exemplaire promo de ce LP et que par conséquent je me sens moralement obligé d’en dire plus que du bien pour la seconde fois de ma vie. Tu t’en moques de mes histoires de mec à lunettes coincé derrière un clavier d’ordinateur ? Je suis bien d’accord mais pour l’instant je meuble en attendant d’avoir quelque chose d’un peu plus substantiel à te raconter sur Go Fast, disque de l’année 2016 (ou pas loin).

J’avais donc pensé affirmer haut et fort que j’écoute Go Fast tous les matins, très fort dans mon casque collé contre mes oreilles en choux-fleurs, et que ce disque me donne instantanément la force d’évacuer ma haine du quotidien (celle qui monte en moi à chaque fois que je pars travailler) sans vouloir précipiter une lycéenne innocente et en Stan Smith sous les roues du métro. Merde les gens… les Stan Smith c’était déjà à la mode quand moi j’allais au lycée, au siècle dernier, tout comme les jeans moulants et éventuellement déchirés, d’ailleurs. Quoi qu’il en soit le coup du « j’écoute ce disque tous les jours et je suis faaaaaaaaaaaaaan » sans donner de plus amples explications et détails, en gros jouer sur l’affectif émotionnellement instinctif, en général ça marche plutôt bien mais je l’ai déjà trop fait. Et même si en l’occurrence c’est totalement vrai – Go Fast c’est le disque de l’année 2016 ou pas loin – voilà un argumentaire aussi éculé que des baskets qui puent la socquette sportive et vendues 100 brousoufs la paire. Donc je passe.

Et puis l’autre jour j’ai rencontré un type que j’aime bien et qui m’a dit : « ah ce soir je vais à la release party de Noyades, au début je trouvais ce groupe chelou parce que je suis un grand admirateur de Psychic Paramount et que Noyades ça m’y faisait un peu trop penser mais finalement je pense que ces mecs ont leur truc à eux ». C’est dingue, lorsque tu parles avec les gens, comme tu peux rapidement et facilement leur chourer des idées pour les ressortir à ta sauce un peu plus tard, l’air de rien. Excepté que je n’aime pas parler avec les gens. Mais j’ai alors surtout compris pourquoi le patron ne voulait pas évoquer lui-même Go Fast dans les colonnes de PeF: il a toujours eu un gros problème avec Psychic Paramount. Alors que moi j’aime bien. La vie est tellement simple, des fois. Sauf que la difficulté – parce qu’il y en a quand même une, tu penses bien – c’est que je n’aime pas beaucoup la dialectique comparative telle que « ce groupe fait beaucoup référence à Machin Machine mais en mieux/avec un son réactualisé » (rayez la mention inutile) bien que je l’ai souvent employée dans le passé et bien que dans le cas qui nous occupe ce n’est pas totalement faux puisque Go Fast, disque de l’année 2016 ou pas loin, peut éventuellement faire penser à un trio américain désormais à la retraite. Mais les rapprochements doivent s’arrêter là. Et mine de rien j’ai déjà écrit un peu plus de 3000 signes sans avoir dit quelque chose – deux feuillets comme le disent les professionnels de l’écriture, c’est-à-dire largement plus qu’il n’en faut pour encenser un disque et bander comme un taureau.

Je ne vais donc pas y aller par quatre chemins parce que je n’ai pas non plus que ça à faire aujourd’hui : Go Fast est le genre de disque qui te saute dessus et ne te lâche pas. Imagine un peu un tourbillon suprasonique qui t’emmène toujours plus loin, une déferlante électrique déraisonnable, une rythmique incroyable (parce que ce batteur est génialement surpuissant et précisément inventif tandis que le bassiste ne se contente pas de n’être qu’un bassiste), un guitariste aussi à l’aise dans les déflagrations, les bidougnoufs grésillants que les moments d’apaisements, une capacité à construire des compositions volcaniques d’une densité effarante même lorsqu’elles s’étirent un peu, un sens du chaos d’autant plus jouissif que la musique de Noyades c’est aussi des riffs de damnés et des lignes mélodiques diaboliques, un psychédélisme noise poussé dans ses derniers retranchements, une qualité d’enregistrement en mode XXL mais sans la gonflette, un mélange parfait d’exubérance garage et de crasse nobiliaire … je crois que je n’ai rien oublié (si : les illustrations de Synckop sont juste terribles). Allez, une dernière chose, peut-être : j’écoute ce disque tous les jours depuis plusieurs semaines et il me remplit de joie et d’insouciance, parce que Go Fast est un disque qui se passe de toutes comparaisons inutiles, parce que Go Fast est le disque de l’année 2016, et loin devant, tous simplement.

Hazam (20/11/2016)