noyades
SK






Noyades
s/t – cassette
S.K. records 2015

Je ne vais pas faire comme le patron de Perte & Fracas et râler (d’ailleurs je ne râle jamais) sur l’incongruité en 2015, alors que le 21ème siècle est déjà bien entamé et presque terminé, de publier un enregistrement sur une cassette audio. Moi, je l’aime bien, ce petit format de merde d’un autre temps. Et ce sera toujours mieux qu’un vulgaire mp3, l’arnaque du siècle. Surtout que celle-ci de cassette est d’un rouge pétant, emballée dans une jaquette sérigraphiée avec amour et dotée d’un artwork (superbe) signé Synckop. Beaucoup de soin apporté à un objet tiré à 100 exemplaires et publié par S.K. records. Et c’est l’une des têtes pensantes historiques du label, Nico Poisson de Ned, Sathönay et Totale Eclipse, qui s’est occupé de l’enregistrement sur son vieux magnéto Revox. Comme au bon vieux temps.

Noyades – au passage l’un des meilleurs noms de groupe de ces dernières années, ça nous change un peu de toutes ces appellations à base de lotions capillaires et autres références au matérialisme moderne – est un trio lyonnais composé d’un batteur acharné, d’un bassiste un rien arrogant mais beau gosse et d’un guitariste amateur de pizza et déjà croisé à de multiples reprises dans divers projets en solo. Trois chevelus qui dégainent un son furieux, abrasif, totalement instrumental, chargé de belles envolées et de rituels spatio-temporels. Ah… en écoutant Noyades on ne peut pas s’empêcher de penser un peu à Psychic Paramount (dont le patron, oui encore lui, avait détesté le deuxième album, je tiens à affirmer ici que je ne partage absolument pas son avis de vieux râleur) mais la comparaison ne tient pas longtemps. Car on trouve chez Noyades ce goût pour un psychédélisme illuminé tel qu’il a été allégrement copié puis déformé par toute un tripoté de groupes japonais depuis plus de trente ans, au point d’en amplifier durablement les effets hautement hallucinogènes.

Noyades aime citer Keiji Haino parmi ses références éventuelles mais, en dépit des efforts insensés du guitariste du groupe pour tenter de ressembler au vieux maître japonais, je citerais plus volontiers des trucs beaucoup plus hippies tel que Acid Mothers Temple et Makoto Kawabata ou des groupes plus sales (et plus garage) tels que Musica Transonic et Mainliner (au passage deux autres groupes dans lesquels a joué ou joue également Kawabata). Le coté hippie de Noyades c’est Reflects, un long titre de quinze minutes qui occupe toute la face B de la cassette, un trip qui tient toutes ses promesses, signe évident que Noyades est un groupe qui lui tient la route. Le côté plus brutal est occupé par les deux autres titres en face A, Mevlana et Bear Rider, deux gros boulets rouges qui explosent à chaque instant, un gros flash dans la cervelle et une envie de headbanguer comme un débile. Je ne sais pas pourquoi Noyades et S.K. ont préféré publier une cassette plutôt qu’un vinyle (sûrement une question de moyens financiers, en fait) mais il est évident à l’écoute de ces trois titres, et malgré le souffle et le son naturellement pourri de la cassette, que cet enregistrement aurait largement mérité de se retrouver gravé sur un bout de plastique noir. Cela aurait pu constituer un mini album de haute volée, avec vraiment de la gueule.

Hazam (22/03/2015)