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rejuvenation


La Pince
Mais Sec – LP
Boom Boom Rikordz/Katatak/Rejuvenation 2016

Il y a des fois où cela sert strictement à rien de chercher trop loin pourquoi on s’attache à certains groupes (et à certains disques). Je veux dire : plus qu’à tous les autres. Dans le cas de La Pince, la réponse est vraiment très simple (sic), les concerts de cette bande de sales vosgiens exilés à Bruxelles étant toujours de grands moments de drôlerie, de dérision, de n’importe quoi mais aussi de fureur et de noise dissonante avec ce chanteur à peu près prêt à tout, ce guitariste un rien vicelard qui n’en rate pas une dès qu’il s’agit d’aiguillonner et de provoquer ledit chanteur et cette section rythmique plus stoïque mais qui fait magnifiquement bien le boulot. La Pince ce sont des doux dingues capables de basculer à tout moment. Et avec eux le pire et le meilleur c’est exactement la même chose. Si je commence par là, c’est parce qu’il n’y a pas très longtemps j’ai momentanément quitté cette bonne vieille ville insupportablement bourgeoise et prétentieuse de Lyon pour me rendre en territoire supposé ennemi, à Saint-Étienne, et y assister précisément à un concert de La Pince. Et comme d’habitude je n’ai pas été déçu.

Mais ceci est une chronique de disque et il s’agit même de la chronique du deuxième album du groupe, intitulé Mais Sec – il existe également un split en compagnie de Petula Clarck ainsi qu’une démo sous forme de CDr qui, si le monde était décidemment bien fait, devrait d’ici quelques années m’assurer une confortable plus-value sur les sites spécialisés de revente de disques pour collectionneurs toujours en retard. Parce que La Pince, et bien que ces quatre là aient l’air de s’en foutre royalement, mériterait bien tous les lauriers du monde et tous les honneurs que les amateurs du genre octroient aux pseudo-imitateurs de Jesus Lizard and C° à partir du moment où ils sont américains et/ou ont enregistré leur disque du côté de Chicago chez un binoclard omnipotent. Le talent on en a ou on en a pas, la classe c’est exactement la même chose, la folie n’en parlons même pas et ce qui rend La Pince aussi précieux à mes yeux et à mes oreilles, c’est cette désinvolture mordante avec laquelle le groupe envisage son patafatras généreusement bordélique et surtout la jubilation avec laquelle il rajoute systématiquement une couche de merde, de crasse, de sperme gluant, d’urine et de sexe dégueu à sa mixture acerbe et caustique.

Mais Sec – sans doute un hommage salace et boutonneux à la petite gueule d’ange d’amour qui orne le verso de la pochette du disque – risque fort de passer inaperçu ou tout du moins de ne récolter qu’un vague succès d’estime alors que voilà un disque qui, ça ne fait pas de mal de le répéter une fois de plus, mérite une place de choix chez les noiseux de tout poil, les rasés comme les chevelus, les priapiques comme les curés, les jeunes comme les vieux, les garçons comme les filles, les pédés qui ne s’ignorent pas comme les touffe guys. Au-delà de la – de plus en plus vague – référence à Jesus Lizard, La Pince nous sert de quoi mordre à pleines dents dans le gras du bide de notre prochain et de le recracher d’un air dégouté : « sec » c’est exactement ce qu’est cet album et ses onze titres où la mollesse et le confort ne sont pas de mise, où la musique grince constamment sans perdre de sa fougue, où la guitare part en vrille à la moindre occasion, où la basse génère un swing qui te donne envie de copuler par terre et où la batterie te rappelle que tu n’en as peut-être plus pour très longtemps à bouffer des pizzas en plastique.

De 11794591X2 à Steven (2.0) et son saxophone du diable je ne jette absolument rien de cet disque, et surtout pas les titres d’apparence plus lente – Jean-Michel ou Alain Latour – sur lesquels la musique de La Pince suinte toujours plus, fait toujours plus mal, avec cette faculté sadique à remuer savamment le couteau dans la plaie et à provoquer sans délai un bordel innommable de toute façon jamais très loin. La qualité (double et) ultime de Mais Sec c’est à la fois de faire oublier que La Pince est un sacré bon groupe en concert, de permettre de se concentrer sur une musique, des compositions et – tout en même temps – de donner envie de retourner au charbon, de revoir ces gars là une fois de plus en vrai, pour se prendre une bonne taloche dans les couilles et en raffoler. Quand on aime on ne compte pas, on ne se la raconte pas non plus, et on y va.

Hazam (19/04/2016)