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Doomsday Student
A Self-Help Tragedy – LP
Skin Graft/Three One G 2016

Doomsday Student : la routine des chroniqueurs de disques qui en ont rien à foutre. A Self-Help Tragedy est le troisième album des ex-Arab On Radar et je m’apprêtais gentiment à renvoyer le lecteur – oui : Toi – aux chroniques des disques précédents, A Jumper's Handbook (2011) et A Walk Through Hysteria Park (2014) tout en prévoyant de rajouter cette simple petite remarque insidieuse : « c’est toujours le même groupe, c’est toujours la même musique, c’est toujours le même disque, si tu aimes tant mieux pour toi, si tu n’aimes pas tu peux toujours retourner déguster des cocktails à la pisse en compagnie de David Yow ou sodomiser des animaux morts avec Steve Albini ». Et puis j’ai eu un moment de faiblesse, voire un moment de doute comme j’en ai déjà tant eus et comme j’en aurai encore plein. J’ai donc écouté en vrai ce A Self-Help Tragedy, mais uniquement pour vérifier que j’avais encore une fois raison. Perdu…

Je me suis alors tout d’abord demandé si je devenais trop vieux pour ce genre de conneries et de musique débile, si ce n’étaient pas plutôt les quatre membres de Doomsday Student qui commençaient sérieusement à prendre du bide, si ce n’était pas lié au fait que désormais je n’écris plus des chroniques de disques que le dimanche soir comme un pauvre type trop angoissé par le basculement vers une nouvelle semaine de vide quotidien, si je n’étais pas devenu un peu trop sourd, si je ne m’étais pas transformé en loup-garou chasseur de licornes magiques et de poneys facétieux à force d’écouter du black metal croisé doom framboise croisé hardcore végétarien pour hipters émotifs et la réponse s’est doucement imposée toute seule : non. Et encore NON. A Self-Help Tragedy c’est bien sûr toujours du Doomsday Student mais il y a une grosse nuance à apporter à ce jugement lapidaire. Parce que A Self-Help Tragedy est plus lent et moins hystérique que toute la discographie du groupe réunie. Limite ça se traine par moment. Comme un sale goût désagréablement pâteux et salement amer dans la bouche. Une bonne descente qui fait du mal. La batterie métronomique et minimale est toujours là, les guitares stridentes et déchirantes aussi – notons cependant sur Wonderful l’apparition d’un son de guitare inhabituel pour le groupe et cela me plait de penser que celui-ci est le fait d’un Paul Vieira sortant enfin de son rôle de guitariste playmobil – mais… mais c’est comme si un léger voile, un brouillard sournois recouvrait désormais le tout, y compris le chant d’Eric Paul qui passerait presque pour un auteur à textes.

Cependant A Self-Help Tragedy n’est absolument pas l’album fatigué d’un groupe vieillissant. Ce n’est pas non plus l’album de la « maturité », ce concept imaginé par les chroniqueurs de disques qui ne supportent pas de grandir eux aussi et qui refusent d’admettre qu’il n’y a pas que la musique dans la vie. Par contre A Self-Help Tragedy est – de très loin – le meilleur album de Doomsday Student parce qu’il remet les pendules à l’heure : il démontre que Doomsday Student (et auparavant Arab On Radar) n’est pas que ce groupe débridé et gentiment dangereux pour amateurs de noise-rock sauvageons et défoncés à la bière cheap ou au sucre glace. Doomsday Student n’est pas un putain de groupe festif et racoleur servant uniquement à donner sa dose de frisson aux encagoulés et autres porteurs d’anorak. Doomsday Student n’est pas un groupe de pitres. Doomsday Student t’emmerde. Doomsday Student joue de la musique avant tout dépressive et A Self-Help Tragedy est l’enregistrement du groupe qui reflète le plus cette vérité absolue. Voilà. Merci.

Hazam (12/12/2016)