bunuel
tannen


Buñuel
A Resting Place For Strangers – LP
Tannen 2016

Buñuel, ça sonne espagnol mais c'est italien. Ou plus exactement italo-américain. OK, Eugene Robinson n'est pas majoritaire mais être seul contre trois n'a jamais fait peur au chanteur d'Oxbow. Seul contre le reste du monde non plus d'ailleurs. Et il en a fallu du courage et une volonté de fer pour poser sa voix unique sur la férocité d'une musique qui déboulonnerait une statue de plomb, pour contrer trois musiciens se débattant avec les enfers. Ces trois furieux sont Xabier Iriondo (guitare, déjà entendu au sein de A Short Apnea, Afterhours ainsi qu'une collaboration avec Zu) et Pierpaolo Capovilla (basse) accompagné de Franz Valente (batterie), deux membres de Teatro degli Orrori. Mais Le théâtre des horreurs, c'est là, tout de suite et il rime avec bonheur.
La furie d'une rythmique qui pilonne à tout va. Un batteur bûcheron qui débite de la frappe sans se poser de question, comme un sourd pour que ça te rentre bien dans le lard, que ça cogne dans le plexus. Rapide, puissant, clair au-dessus de la mêlée, sauvagement efficace. Les défenses sont dérisoires. Sarabande infernale, sans aiguë de la vendetta. Succinct mais réel bruit de tronçonneuse à la fin de I, Electrician qui aurait pu s'appeler Moi, Boucher. Buñuel découpe neuf tranches saignantes et extrêmement revigorantes d'un noise-rock qui cherche la baston à chaque instant. Autant dire qu'il n'est pas nécessaire de pousser Eugene Robinson dans ses retranchements pour le lancer sur le ring. Quand on le cherche, on le trouve. De sa grosse voix menaçante, il alourdit l'atmosphère, l'électrifie, la charge d'immenses nuages noirs pour mieux les exploser, les transpercer de sa science inégalable du self-control en milieu hostile. Kasia Meow, une proche d'Eugene Robinson et pas qu'artistiquement parlant, apporte sa contribution vocale sur Me+I, seul titre un brin en-dessous du lot (mais elle n'y est pour rien) dont la qualité globale ne fait aucun doute. L'intro de basse de Smiling Faces Of Children sonne comme du Creeps On Candy (c'est à dire un peu comme du Jesus Lizard...) et rend coup pour coup à la batterie. Quant à la guitare, elle tire à vue. Méthodiquement. Sans laisser de brûlures. Comme en accélérée d'une balle qui arrive trop vite. Elle essaye même de faire croire qu'elle est bourrée d'électroniques alors que ces bruits grinçants sont l’œuvre de l'imagination de Iriondo et son mahai metak, sorte de guitare allongée/préparée qu'il triture amoureusement ou d'un melobar, croisement entre une guitare normale et une slide guitare, histoire d'apporter quelques déviances à un enregistrement méchamment carré.
Mais tout ça ne sont que vils détails. Parce que c'est l'éclair que l'on voit en premier, le tonnerre arrivant dans la même seconde. A Resting Place For Strangers est un pur défouloir. Autant pour les musiciens qui le joue que pour les personnes qui se le prenne de face et avec un grand sourire.

SKX (05/07/2016)