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Tyranny Is Tyranny
The Rise Of Disaster Capitalism – LP
Phratry 2015


Tyranny Is Tyranny n'est pas le groupe le plus glamour de la planète. Le missel de l'anti-capitalisme sous le bras, Russell Hall (guitare et chant) et sa troupe se sont toujours servis de leurs groupes (le précédent s'appelait The United Sons Of Toil) pour délivrer leur message politique. Avec cette fois-ci le portrait de Naomi Klein au-dessus de leurs têtes et dont ils se sont faits les apôtres. The Rise Of Disaster Capitalism est le titre d'un bouquin de la journaliste canadienne et militante altermondialiste (The Shock Doctrine : The Rise of Disaster Capitalism pour être exact) publié en 2007. Tout comme ils s'étaient inspirés de Howard Zinn et Noam Chomsky pour de précédents disques. C'est donc du sérieux. Du très sérieux.
La musique n'est pas non plus follement sexy. C'est définitivement pas le credo de Tyranny Is Tyranny. Un peu hardcore, un peu emo, un peu noise-rock, un peu tout et rien à la fois, le groupe de Madison dans le Wisconsin n'est pas du genre à attirer les regards (et les oreilles). Et pourtant, Tyranny Is Tyranny s'améliore par rapport à leur précédent album. L'enregistrement, bien qu'ils ne mettront jamais toutes leurs économies dedans, est en progrès. Chaque instrument trouve une place suffisante pour faire résonner le discours. L'esthétisme sonore est un parti pris auquel il faudra s'habituer, le groupe ayant d'autres chats à fouetter dans ce monde de compétition qu'il refuse que de sonner plus fort que le voisin. Le chant également est sur le bon chemin, avec la disparition de la voix d'homme des cavernes. Le résultat, ce sont cinq titres dont l'aura ne cesse de grandir au fil des écoutes. Car ce que Tyranny Is Tyranny sait très bien faire, c'est écrire des morceaux comme des histoires avec ces luttes et ces doutes, tout un tas de sentiments allant de la rage à l'abattement, des éclats de voix à des passages plus atmosphériques naviguant dans des morceaux copieux mais pas indigestes. Que cinq titres mais trois dépassent les sept minutes et le dernier culmine à un quart d'heure. Toute la touche Dischord ou Ebullition records se côtoient avec un rock plus rugueux, sauvage, répétitif et des moments d'apesanteur à la touche émotionnelle, des arpèges délicats trouvant son point d'orgue dans cette trompette (jouée par le bassiste Guy Ficcioto) à la fin de Pillar Of Cloud, Pillar Of Fire qui a de quoi faire fondre le coeur d'un petit trader ou tout au long de Victory Will Defeat You. Un format inhabituel, des développements qui prennent plus d'une fois aux tripes, des montées de lendemain de victoire, de la finesse, de la tristesse. Il faut savoir dépasser le coté un peu terne du son, s'enfoncer dans ces compositions étendues et la félicité est au bout. Depuis ce disque, le fidèle guitariste Jason Jensen s'est retiré du projet, ce qui ne va pas empêcher Tyranny Is Tyranny de continuer la lutte à trois.

SKX (16/10/2015)