moutheater
theundesirable
head2wall
thrashed
lastanthem




























































































































Moutheater
Passing Key LP
Anthems Of The Undesirable 2014
Colonial 12''
Last Anthem 2011
Ornament LP
Head2Wall 2009/2012
Lot Lizard 7''
Trashed 2007

La totale Moutheater. Car tout est bon dans le cochon. Découvert avec leur dernier album en date Passing Key, l'envie a été forte et immédiate de savoir d'où venait ce bestial groupe et la surprise encore plus grande de constater que ce mystère bien gardé avait déjà quelques disques à son actif. Un groupe originaire de Virginia Beach, station balnéaire de la cote est dont où on n'imagine pas qu'un groupe monstrueux comme Moutheater puisse provenir, entre deux allers-retours à la plage. La densité musicale au centimètre carré est immense et fait remonter vos plus bas instincts. Creuse ton château de sable.

On commence par le plus récent. Avec Tim Gault (batterie) et Andrew Aircraft (chant, guitare) en seuls membres continus autour desquels gravitent moults bassistes et pour la première fois un second guitariste, Passing Key est une sacré bête noise-rock. Comme approche, vous prenez le dernier disque de Hawks (Push Over), vous prenez tout ce qu'il y a de plus lourd et menaçant, tout le jus rock'n'roll suintant et pourrissant, vous le fondez dans un moule plus hardcore défini jadis par Kiss It Goodbye, vous mettez une voix de cerf en rut qui a hiberné trop longtemps et vous peaufinez le tout par une envie d'écraser, de dominer comme sur un disque des Swans sans oublier l'humeur d'en découdre et de cracher sur cette vie nauséeuse comme chez un Unsane. Plus belle la vie. La plus magnifique preuve de cet art de vivre s'appelle Sexual Sadness. Presque huit minutes punitives qui donnent envie de réécouter son vieil album de Quitters Club. Ode à la lourdeur ténébreuse trouvant son prolongement dans les cinq minutes de Wide Eyed. Comme les trois premiers titres étaient franchement agressifs, ça donne une face A d'un poids monumental dont la face B aura du mal à s'en remettre. Mais les six titres relèvent le défi, à coup de solo à toute berzingue sur My Medicine From Aunt Sea, d'une lourdeur pénétrante qui ne faiblit pas malgré quelques brèves intonations vocales et mélodiques plus étranges (Tape My Heart Back Together, Drugs Of Fate), de la présence d'une guitare acoustique sur Nepolio's Rooftop et de morceaux un ton en-dessous. Noise-rock de pitbull, on peut toujours reprocher à Passing Key de ne pas totalement tenir la distance mais cet album est un très beau parpaing dans la mare noise-rock.





On remonte l'échelle du temps avec Colonial. Ce n'est pas un album, uniquement quatre titres (vingt minutes tout de même) mais Colonial exploite un filon identique de ressentiment féroce. La densité est moins importante vu la formule en trio et un guitariste en moins. La sensation d'écrasement libère l'espace et la voie vers un noise-rock riche en convulsions et lignes de basses lancées comme un train de marchandise sur les rails de l'infini colossal et à la poursuite d'Unsane. I want to destroy you/I want to hold your face in my hands. Quand un disque débute comme ça, les chances de survies sont minces. Colonial laboure les chairs en profondeur, structures plus complexes et retorses sans perdre un gramme d'efficacité avec palme d'honneur à Enslaved et Nauseous, vitriolant la parquet d'intentions néfastes. Colonial, empire d'animosité transpirant de chaque mot craché avec rage. I want to hurt you so fucking bad.



Ornament, le premier album de Moutheater a eu une histoire mouvementée. A l'origine publié par Trashed records en 2009 uniquement en CD, une version vinyle devait voir le jour dans la foulée. Hélas, des embrouilles et un label démissionnaire ont reporté cette sortie trois années plus tard grâce au label de Columbus Head 2 Wall. Si le fond de commerce fait de frustration et l'envie de ratiboiser la terre entière ne change pas, la bande-son diffère légèrement. A leurs débuts, le noise-rock de Moutheater était plus ancré vers Chicago, vers un Jesus Lizard testostéroné à Deadguy. Un mélange hautement explosif. Le contrôle des pulsions, la tension sur le bord de la lame du couteau, un chant qui met à genoux sous le joug d'un grondement sous contrôle mais aussi plus varié. Ornament ne prend pas uniquement soin des oiseaux morts, il fait attention aux contrastes, à la dynamique générale, au découpage chirurgical de riffs précis et d'une rythmique ultra percutante et n'hésite pas à placer en plein milieu de l'album quatre minutes d'un Negative Life qui n'est qu'un instrumental en forme de plaine aride ouverte aux vents du désespoir. C'est pour mieux repartir en face B avec Guts, sarabande noise-rock au rythme imparable avant, à nouveau, de se faire couper l'herbe sous le pied par un Honesty de fin du monde rempli de drones néfastes et d'une voix dans le fond qui a vu la mort en face. Mais d'une manière générale, Ornament est un album plus concis, tranchant, une machine infernale à laquelle il est impossible de résister avec cette basse et grosse caisse en avant cognant dans la poitrine. Bien sûr, il suffit d'annoncer ça pour que Moutheater termine par les respectivement six et cinq minutes de Paths et Negative Death pour foutre en l'air la phrase d'avant. Deux morceaux annonciateurs du futur, quand le trio pas encore quatuor va décider de ralentir et alourdir la cadence, d'être encore plus méchamment pesant et sale tant bien même Paths possède nervosité, agilité et grandeur alors que Negative Death porte en son nom l'ambiance morbide qu'un piano fait résonner sur un lit de parasites sonores. Ornament n'est pas là pour faire de la figuration. Moutheater avait déjà tout bon dès le premier album.






Avec un titre de single comportant Lizard et un enregistrement chez le père Albini, ça fait beaucoup trop de coïncidences pour être honnête. Détrompez-vous. Lot Lizard n'est pas un hommage appuyé à Jesus Lizard et le noise-rock made in Chicago. Il y en a, certes, mais de la prune aussi, de la betterave, du jus rouge et grésillant coulant sur un tapis de rythmes incisifs. Trois titres homogènes et tous différents. Deux sur une face (Meat Grinder et Lick The Stamp, Turn It On) bons comme un soleil d'hiver et celui qui éclate tout le monde de l'autre coté, History qui te la fait pas à l'envers mais fonce dans le tas avec un sens du rock'n'roll bouillonnant sous la couche noise-rock et une dureté aux angles qui allume des pieux de bonheur chez tous les malades qui ont dansé au doux son de Ken Mode et Buildings. Un 45 tours idéal.
Pour être tout à fait complet, il aurait fallu également parler du split single avec Vegas sur Trashed records en 2008, voir remonter à la genèse et la cassette No Ballet en 2007. Mais tout ça et les quatre disques venant de passer à la moulinette sont en téléchargement libre sur leur site. Régalez-vous, bande de pique-assiettes.

SKX (04/02/2015)