lightningbolt
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Lightning Bolt
Fantasy Empire – 2xLPs
Thrill Jockey 2015

Lightning Bolt fait parti de cette catégorie de groupes présents dans le paysage depuis tellement longtemps que plus personne ne se préoccupe de leur sort (18 ans que leur premier disque est sorti !). Associé à une qualité d'enregistrements déclinant sérieusement au fil des albums (Oblivion Hunter et Earthly Delights), le point de non retour semblait atteint. Autant dire que je n'attendais strictement rien d'un nouvel album de Lightning Bolt, un ex-amour de jeunesse.
C'est donc poussé par une curiosité de vautour et étonné de les voir quitter le fidèle Load records pour atterrir sur Thrill Jockey que Fantasy Empire a fini par envahir les enceintes. Et là, miracle, la reconquête est en marche. Cet exploit, le duo batterie-basse de Providence l'a réussi en se remettant en cause. Fini l'enregistrement à la maison avec les moyens du bord. Lightning Bolt a été dans un vrai studio comme des grands. Le son est mieux défini, plus clair et puissant. Tu t'en prends toujours plein la gueule, Lightning Bolt ne renie pas son esthétisme général qui est de combler le moindre espace et de lutter contre la peur du vide, mais il est désormais permis de respirer et ne plus être champion d'apnée pour écouter un disque du duo.
En même temps, et heureusement, l'enregistrement ne fait pas tout. Je dois même dire que leur son foutoir ne m'a jamais gêné. Non, la principale différence vient tout simplement d'un sens retrouvé de la composition qui ne s'éparpille plus gratuitement dans tous les recoins de leurs cerveaux branchés sur essorage à sec. En d'autres termes, ça s'appelle l'inspiration, le talent, les saintes écritures qui vous mettent une deuxième baffe quand vous osez tendre l'autre joue, une gestation longue depuis cinq ans pour mettre au point des morceaux qui ne feront pas un flop une fois l'écran de fumée de l'énergie dissipé. Le wall-of-bass-noise perclus de blast-beats d'un batteur toujours aussi déchaîné a pris soin de ne plus foncer tête baissée dans le tas. L'impression d'une boule de feu s'emparant de votre cortex sensitif prédomine. La basse multiplie les effets et les loops, titillant parfois l'overdose. Les hallucinations sonores sont légion. Tu ne sais plus où t'habites, Lightning Bolt surfe sur le dangereux fil de la transe et de l'hypnose sauvage, l'équilibre est précaire mais le duo retombe cette fois-ci du bon coté, celui qui donne envie d'en redonner une couche (The Metal East, Over The River and Through The Woods et Horsepower, tryptique infernale qui débute l'album), de hurler avec les loups, de faire de la air batterie comme un zoulou et se rêver avec douze doigts sur une basse volante devant un immeuble d'amplis branchés sur onze. Lightning Bolt cogne au plus près, serre le jeu, retrouve l'aptitude de la mélodie pertinente sous le déluge, de l’accélération perfide alors que tu les croyais déjà à fond, de la cassure qui ne fait même pas mal et ne te perd pas en route, de l'efficacité redoutable sous une débauche de bruit blanc pour des morceaux plus digestes que leur moyenne habituelle.
Et quand bien même les compos font trois kilomètres de long comme le dernier titre Snow White (& The 7 Dwarves Fans). Onze minutes résumant très bien tout l'esprit de Fantasy Empire. Intro mesurée avec un rythme de batterie étonnement basique, brusque déchaînement des sens, avis de tempête, chant de l'au-delà du batteur avec son micro toujours scotché sous le masque et totalement au-dessus des mortels, psychédélisme-noise habité par la troisième dimension mais avec un fil conducteur que le duo ne lâche jamais malgré le chaos ambiant. Même si je dois avouer que leur musique ne me touche plus autant qu'avant, Lightning Bolt a su redresser la barre et trouver un troisième souffle pour faire figurer Fantasy Empire dans le haut du panier de leur discographie.

SKX (06/03/2015)