chromb

Chromb !
II – CD
Self-released 2014

Bon. Je me sens un peu sentimental aujourd’hui alors je vais y aller de ma petite confidence. Comme je suis d’un naturel jaloux – oui, je sais, c’est moche – et que j’aime bien tirer toute la couverture à moi tout seul, il m’arrive d’intriguer dès qu’il s’agit de chroniquer tel ou tel disque. Je m’explique : il y a toujours un tocard qui chaque jour trouve le moyen de m’envoyer un mail pour me demander si par hasard je ne serais pas intéressé pour écouter et parler de son dernier chef-d’œuvre en date. Là, deux solutions s’offrent à moi. Soit je mens ou bien alors je mens. Au choix. Si le disque en question est ne serait-ce que moyennement insupportable je réponds aussitôt que je n’écris plus vraiment de chroniques de disques mais que je conseille ce webzine portant le doux nom de Perte & Fracas ; un zine certes un petit peu obscurantiste sur les bords mais dont le président-directeur-général (qui a des goûts très éclectiques) s’empressera sûrement de chroniquer la dite galette. Ou alors, si le disque me fait totalement triper et que je veux absolument m’occuper personnellement de son cas, je fais sournoisement semblant de me renseigner : au fait, tu n’aurais pas déjà envoyé ton disque à Perte & Fracas par hasard ? parce que tu sais, le mec qui écrit là dedans, il aime jamais rien… non, franchement, laisse-moi faire, moi aussi j’écris parfois pour ce site mais moi je vais t’en faire une chouette chronique, de ton disque de merde. Evidemment, le disque atterrit neuf fois sur dix entre les mauvaises mains, celles du patron, puis il se retrouve ensuite inexorablement chroniqué dans la rubrique Humeur Massacrante aka la poubelle commune /fosse à purin de P&F et je peux ainsi rigoler pendant des semaines de ma si cruelle méchanceté.
Jusqu’au jour où un groupe originaire de Belfort que j’aime particulièrement mais dont je tairai le nom (il s’agit des Welldone Dumboyz) n’a malheureusement que trop bien suivi mes conseils avisés et a envoyé son nouveau disque au service presse de Perte & Fracas – ce disque sera bientôt chroniqué ici même par le patron – en y joignant ce petit mot ravageur : je crois que Hazam me disait que c’était pas ton truc mais je te l’envoie quand-même. Grillé, je suis grillé. Non seulement je ne chroniquerai pas ce disque des Welldone Dumboyz (qui, entre nous, est vraiment pas terrible-terrible) mais en plus je me retrouve privé de noise-rock et autres diableries, toujours plus cantonné à parler de musiques gentiment déviantes voire intellectualisées et contraint d’évoquer des groupes dont même les collègues de KFuel parlent à l’occasion dans leurs émissions de radio. La honte... Mais heureusement il y a également des disques que je veux malgré tout sauver des griffes de cet ogre chroniqueur. Le deuxième album de Chromb ! en fait assurément partie. Sachant que le premier enregistrement de ces quatre petits gars originaires de Lyon a eu l’honneur de figurer dans la fameuse rubrique Humeur Massacrante (pour une chronique malgré tout mitigée), j’ai décidé de prendre le taureau de Perte & Fracas par les cornes et de chanter moi-même les louanges de Chromb ! Voilà, cette chronique de disque peut enfin commencer. Et je vais faire court (ahem).

Chromb ! synthétise à peu près tout ce que je déteste en tant que parfait ayatollah du bruit et de la fureur : un sens certain de la fantaisie débridée, un amour immodéré pour l’absurdité, du chant de castra sous acides, du saxophone alto hystérique, du clavier qui déverse des torrents de notes par hectolitres, des rythmiques entrainantes et envahissantes, des mélodies enrobées de barbapapa progressif, une basse qui tente de faire oublier qu’il n’y a pas de guitare dans le groupe, du festif en veux-tu en v’là et autres espiègleries que la décence m’interdit de nommer ici. Sauf que, dans le cas de Chromb !, tout ce salmigondis à base de cavalcades so happy et de galipettes monthy-pytoniennes passe largement le test du détecteur à conneries. Je m’explique, encore une fois : malgré toutes ses fanfaronnades, Chromb ! est un groupe bien moins léger qu’il n’y parait. Disons plutôt que le groupe sait parfaitement faire la différence entre légèreté fausse et vraie loufoquerie. Sans doute parce qu’il sait également très bien manier la grandiloquence (encore un truc dégueulasse, pourtant) comme sur le très enlevé Monsieur Costume et que surtout il sait mélanger sa mégalomanie avec toujours plus de fureur mais aussi plus de mélodies (La Saulce). Ces garçons en connaissent surtout un rayon question énergie à revendre et ils savent teinter leur jazz désaxé de couleurs électriques virevoltantes sans se perdre en route. Donc, lorsque Chromb décide de jouer à fond la carte de l’absurdité dadaïste, le groupe dépasse largement le stade de la grosse poilade et j’en veux pour preuve Le Colis, titre définitivement et supérieurement jubilatoire et foutraque (je me suis déguisé en madame pour aller chercher le colis avec ta carte d'identité)… Encore une toute petite dernière chose pour finir – et après j’arrête, c’est promis : depuis la découverte de Atmosphère 4014, sur le premier album du groupe, j’ai toujours pensé que Chromb ! était une femme. Maintenant j’en suis plus que sûr, je sais même qu’elle s’appelle Christiane Blanchard. Et je l’aime.

Hazam (28/05/2014)