lisabö
bidehuts


Lisabö
Animalia Lotsatuen Putzua - CD
Bidehuts 2011

Lisabö est un secret bien gardé dans le fin fond du pays basque. Un groupe sortant rarement de sa région, sortant tout aussi parcimonieusement des disques. Alors quand ils se sont pointés à Rennes avec leur nouvel album sous le bras, c'était coup double, jackpot, feu d'artifice à tous les étages.
Ce concert a eu en plus le mérite de régler un détail qui m'avait chiffonné sur leur précédent album : le chant. Forçant trop le trait d'une nature affectée, suintant le pathétique, ce chant empêchait d'adhérer complètement à leur torture mentale, de croire à une sincère noirceur émanant de leurs compositions. Les voir en chair et en os vivre intensément leur musique a balayé ces maigres doutes, a permis de comprendre et pénétrer de plein fouet leur univers agité. Lisabö ne fait pas mine. Lisabö dégage une force collective, une force ténébreuse et puissante à la mesure des six membres composant ce groupe. Et fragile aussi. C'est là toute la beauté de Lisabö et Animalia Lotsatuen Putzua retranscrit à merveille ce dualisme. Un noise-rock poignant où tous les postes sont doublés. Batteries, basses, guitares et chants pour une puissance de feu belle, limpide et rendant moins sourd qu'en concert. Chaque instrument est parfaitement lisible, sonne de feu de Dieu. Il faut même savoir que tous les instruments vont par deux, cette particularité ne sautant pas toujours aux oreilles sur disque. Lisabö laisse de l'espace à ces morceaux, les fait respirer, joue sur les volumes et les contrastes sans tomber dans le piège facile de la montée et de la descente comme dans un vulgaire groupe post-rock. C'est de la lave en fusion sculptée avec précision et finesse, de la tension sous-jacente et constante, de l'émotion à fleur de peau, une lave tour à tour épaisse, violente ou d'un fantastique éclat, prête à craquer à n'importe quel moment. Un numéro d'équilibriste à peine croyable. Le chant devient une arme supplémentaire pour appuyer sur la corde douloureuse et a la bonne idée de se faire aider par la voix de l'autre guitariste, en mode parlé, pour encore plus de diversité et de bonheur. Que six morceaux, tous enchaînés-fondus, mais le plaisir dure à chaque fois entre cinq et huit minutes pour un album comptant parmi ce qu'ils ont fait de plus dur et sombre jusque là.
Le seul regret de ce concert de Lisabö, c'était que la version vinyle n'était pas encore disponible. Il a fallu se rabattre sur le CD mais comme d'habitude, Lisabö et Bidehuts records ont soigné l'emballage. Pas un seul bout de plastique dans ce boîtier. Que du carton épais avec livret intérieur, sobre, où toutes les paroles en basque ont été traduites en espagnol, anglais et français. Une traduction qui laisse d'ailleurs à désirer, pas besoin d'être expert en basque pour ça, et n'aidant pas à comprendre des paroles déjà très chargées, dont la seule lecture des titres (Le Cri des caresses silencieuses ou Le Long banquet de la rudesse) vous autorise à ne pas aller voir plus loin. La musique de Lisabö est largement suffisante pour vous faire votre propre film et il s'annonce grandiose.

SKX (05/05/2012)