ned
africantape
Ned
Bon Sauvage - LP
Africantape 2011

Six années sans nouvelle des lyonnais de Ned, hormis en 2007, ce bref espoir que tout n'était pas terminé. Depuis, silence radio à nouveau. Groupe dilettante et perfectionniste. Ce n'est pas incompatible. Mais c'était sans compter sur le label du moment. Via Africantape, Ned sort Bon Sauvage de sa tanière. Un Bon Sauvage qui a appris les bonnes manières, s'est civilisé, l'eau a coulé sous les ponts et Ned a fait comme la race humaine, il a évolué. Notion non-qualitative. Constat froid d'un fait qui ne peut aller contre la nature.
Et Ned n'a pas lutté. S'est laissé porter par son instinct. Il a mis de la simplification dans ces idées qu'il a toujours nombreuses. La déviance de son rock bruitiste est là, tapie dans l'ombre, tarabiscotant encore les structures trop imprudentes mais si Bon Sauvage vous saute à la tête de façon inattendue, c'est parce qu'il est un disque incroyablement funky. Tout est mise en oeuvre pour vous faire danser, onduler le bassin, plier les rotules. La basse absolument groove de All Middle Ages, le hand-clapping (ou ce qui y ressemble) sur Bigger Penisses et son rythme fiévreux, Bob Denard, vieux mercenaire (paix à son âme) qui nous ferait danser jusqu'au bout de la nuit (qui l'eut crû ?!). Et ce n'est pas qu'une affaire de section rythmique. La guitare participe aussi à cette démangeaison plus qu'insidieuse, comme sur Afri-cola. Mais on pourrait citer pratiquement tous les titres, tant l'envie de bouger son corps de blanc bec est quasi irrésistible sur chaque morceau.
Alors forcément, ce groove est un groove de visages pâles. Un groove perverti à la manière d'un Arab on Radar / Chinese Stars, pénétré par des guitares malignes et des rythmes prêts à se barrer dans n'importe quelle direction, à n'importe quel moment. Ned n'a pas perdu son sens de l'humour et le sens difforme de sa musique (l'excellent Same Same but Different, presque une profession de foi entre le Ned de 2005 et le Ned de 2011), qu'une chanson à priori inoffensif comme Wanna Be Beta City peut se révéler bien plus barrée à l'arrivée et que l'écoute de n'importe quel morceau peut se faire à plusieurs niveaux.
Ned a également cette différence sur Arab on Radar and co, c'est que la mélodie ne l'effraie pas. Elle est là, bien en évidence. Ned s'en amuse, en prenant soin de lui donner suffisamment d'acidité et de mordant pour la faire avaler à des vieux punks. Un slow bancal et décalé comme Bon Sauvage ne peut pas être gagnant avec son solo de guitare de la mort et son court passage de paroles en français (digne de Manset ou… Trust !) sans une bonne dose de second degré. Idem pour Turn on the Cops, alternant pop rusé et fusillade punky. Bon Sauvage est donc un mélange détonnant, léger, facétieux, remplis d'hymnes vifs et excitants. Chaque minute de ce disque n'est pas passionnante, quelques facilités tape à l'œil pointent leur nez mais Bon Sauvage est une belle bouffée d'air frais à laquelle il est difficile de résister.

SKX (18/06/2011)