usssy

uSSSy
Oko - CD
R.A.I.G. 2010

Si on ne connaissait pas l'animal, la seule vue de la pochette et la puissance qu'elle invoque mériterait la plus haute circonspection. Surtout quand on sait que ça provient de Russie. Mais à l'Est existe un ovni du nom de uSSSy. Le graphiste, qui n'est autre que le guitariste, a forcé sur les couleurs (et sur autre chose très certainement) mais c'est pour mieux marquer le niveau de distorsion qui t'attend, mon enfant. Ca fait mal aux yeux et ça pique les oreilles.
Road noise comme road trip, la Fédération assiégée, la Sibérie irradiée, l'Oural sous un ciel épaissi. Et au milieu coule une rivière de bruit. Voyage massacrant, reprenant les valises de frénésie du premier album dont le souffre est encore suintant, les chargeant d'un vacarme encore plus mortel. Destination droit dans le mur. Oubliez les hymnes torrides, Wild animals / Wild moustache, l'autoroute se dévale à très grande vitesse, homogène et minée. Avalanche de rythmes pieuvres dont le batteur de Hella devrait s'en inspirer car son homologue, Pavel Bogachev, sait s'arrêter. Prendre la mesure de la déflagration pour mieux la circonscrire. Respire. Les guitares, dont une bariton, fratricides, duel sous l'aurore boréal, à la lueur d'un bouillonnement perpétuel. Entre, autour et dedans, une intrication de samples, de cris lointains, de feedbacks, de vélo et d'arc sur une boite, c'est eux qui l'écrivent. Et de tout ce tumulte, une incroyable luminosité se dégage. J'hésite encore une fois à citer Flying Luttenbachers pour le coté free-noise speedé. Cela pourrait empêcher de nombreuses couilles molles n'appréciant pas feu le projet de Weasel Walter de se diriger vers uSSSy alors qu'ils offrent des choses bien différentes et des ouvertures en plus. A tel point que plusieurs fois, c'est le Loveless de My Bloody Valentine qui m'est venu en tête. Faut croire que uSSSy me la chamboule pas mal. J'aurais pu également parler de Psychic Paramount si seulement j'appréciais ces derniers qui ne sont qu'un groupe de poseurs branle nouilles largement surestimé.
Tout le contraire de uSSSy dont les envolées bruitistes sont pleines de profondeur, naviguant toujours avec justesse entre la fougue du rock et l'expérimental, les lignes droites incendiaires et le feu follet bruitiste en liberté, sans que pointent des langueurs monotones, danger inhérent à ce genre de problématique. C'est finalement vers Kourgane que je me tourne, autant dire du très lourd, pour l'esprit/approche machine infernale surtendue et en constante pression/montée. Contrairement au premier album, Oko est d'une seule pièce. Excepté sur deux morceaux où sort l'oud des bois (Biologican Civilization et le final Watershed), pour un repos du guerrier sur fond/mélange de sonorités exotiques et flippe total, Oko se prend d'une traite, comme une masse, une densité dingue mais avec plein de couleurs à l'intérieur et d'éclats pour s'en échapper, enveloppant ce disque de noise d'un onirisme surprenant.
Deuxième album, deuxième révélation. Ce n'est plus dame chance, encore moins un accident. uSSSy est grand.

SKX (26/06/2010)