usssy




uSSSy
s/t - CD
Russian Association Of Independent Genres 2009

L'Internationale noise s'étend. C'est pas tous les jours qu'on chronique un disque russe. De mémoire, c'est même la première fois ici mais si ce coin du monde se met à nous envoyer de telle bombe, je suis prêt à regarder plus souvent vers l'est, ça nous changera de l'autre coté de l'Atlantique. Pourtant, rien dans ce disque ne nous indique la provenance. uSSSy pourrait venir de n'importe quel trou perdu ou mégalopole américaine, on y verrait que du feu. Et quel feu ! Le trio composé de Pavel Eremeev (basse et voix), Artem Galkin (guitare) et Sergei Ledovski (batterie) a enregistré un premier album d'une incandescence rare.
uSSSy revisite toutes les tendances du noise-rock, le synthétise et l'explose en une heure et onze titres. Ca vous fait peur et vous avez raison. Des morceaux uppercut d'à peine deux minutes aux courses de fond de dix minutes et plus si affinités, uSSSy ne donne aucune limite à sa folie. Mais ils le font avec une telle maestria que cette heure là n'a jamais parue aussi courte. Triturations et sales fréquences pour débuter, une série de chiffres alarmiste (837684) en guise de titre, uSSSy démarre pied au plancher et ne connaît pas le frein à main. Rafales de caisse claire réglée sur 1000 coups/minute, martèlement en règle, voix grondante et fantomatique dans le fond, effet torture mental assuré. Dans le rouge aussi sec. CAMS (Cops Are My Slaves) continue de le battre, le fer, de plus en plus rouge, rythmique caoutchouc, un air de chaos, comme un Colossamite hyper oppressant. En deux compos, uSSSy a déjà fait notre affaire, le doigt dans un engrenage dont vous ne voulez échapper. Suit quatre salves saisissantes au nom aussi évocateur que l'intensité qui y règne : Hey, bitches / Wild animals / Wild moustaches / Holyshit. Votre tête à chaque fois sur un piquet. Des guitares qui n'émettent que des sons vrillant, un jeu en entaille, des rythmes de fournaise et une approche presque rock'n'roll sauvage et abrupt sur la série des Wild dont l'attaque des lignes de basse vous scotche au plafond. Mention spéciale à La moustache sauvage vous les frisant allègrement avec une lueur d'espoir suintant dans le bordel. Quatre mini hymnes punks frustrants car trop court, beaucoup trop court, l'envie masochiste de rester sous l'éteignoir, encore et encore. Les bonnes idées ne durent jamais assez longtemps. Je ne sais pas ce qu'ils endurent au quotidien en Russie mais uSSSy dégage une férocité rarement entendue ces derniers temps. Vertigineux et claquant à la fois.
Ca, c'est pour le début d'album. Vous croyez avoir tout entendu. Le pire est à venir. Avec Sullen rebirth et les quatre derniers titres suivants, uSSSy rallonge le tir. Fini les coups à bout portant. On va prendre désormais le temps d'achever la victime, la travailler au corps et lui faire cracher le morceau. On part sur du hystérique, de la répétition obstinée, du Flying Luttenbachers pour ceux qui habituellement n'aiment pas ce groupe et ont du mal à desserrer les fesses quand la cadence devient trop infernale (Wire), voir du Doppler dans des joutes rythmiques de hautes volées (Sullen rebirth). Le chant est enfoui dans le mix, entre le hululement un soir de lune et le cri déchirant, une sirène lointaine, entre quelquechose d'onirique et de beaucoup plus glaçant. Ce n'est pas l'instrument le plus usité mais sa présence est un indéniable plus dans le son du groupe. Un son plein à craquer, généreux et rude pour un album sans cesse tendu et frénétique. Ca écorche, flingue, gratte, ça larsen et feedback, pas de tout repos certes mais ce groupe n'est pas qu'une histoire de vitesse et de fureur. Un condensé bien plus profond et complexe et varié dont la seule faute de goût serait les dix minutes finales d'un long drone/interférence continue sur un morceau qui avait pourtant très bien démarré. A moins que ce soit juste pour nous remettre de nos émotions car cet album est une vraie surprise et une putain de révélation !

SKX (25/09/2009)