Drunkdriver
s/t - LP
WTD 2010

Le chauffard ivre-mort de retour. Dernière ballade avant sortie de route définitive. Une sombre histoire de viol dans laquelle est impliqué Jeremy Villalobos, bien des années avant qu'il ne batte pour Drunkdriver, un batteur qui clame son innocence, une rumeur qui enfle sur internet mauvaise mayonnaise, des concerts auxquels ils sont priés de ne plus se présenter, Load records qui se désiste et les deux autres membres du groupe, dans un moment de doute et un grand élan de solidarité, préférant descendre en route et tout arrêter là.
Deuxième album maudit mais qui ne restera pas croupir au fond d'un tiroir. Drunkdriver prend ces deniers et sort la bête devenue incontrôlable. Violence, brutalité, trash et fureur, la réalité américaine avec de la vitesse pour échapper à la pesanteur. Mais sans maîtrise, la puissance n'est rien. Drunkdriver continue, sur cet ultime assaut, de piétiner le nihilisme crasse de son premier album mais avec une indéniable supériorité, une indéniable classe, ça en deviendrait presque lyrique et une bonne odeur de souffre. L'agression permanente, jamais ils ne se reposent. Le genre de groupe à vider une salle aux trois-quarts et en cinq minutes pour peu que l'audience n'était pas au courant de la charge annoncée. Le rouge est encore atteint, le son haché, trop à l'étroit dans cette camisole de démence. Sauf que c'est encore plus fort, plus au point/poing. Le trio ne s'embarrasse pas de complications stylistiques. C'est marche et crève. D'un chanteur vomissant tout ce qu'il peut avec d'infimes variations dans le plaisir, la fuite en avant permanente d'un rythme martelé, écrasé avec une rare conviction, guitare blanche saturée, riffs mortels, accords sauvagement binaires et larsens élevés au rang de sirène de l'enfer. Et dans tout ce déluge et anarchie apparente, une affolante impression de force et de précision, que sous cette masse en fusion, chaque parpaing tombe pile là où il faut.
Si il ne fallait retenir qu'un seul morceau de leur vie de bâtards, ça serait Quality Of My Life (ils doutent de rien). Cinq minutes vingt d'une certaine idée bien personnel du bonheur sonore, quand tout hurle autour de vous, de cette lente et vertigineuse folie qui s'empare de votre boite crânienne, cette délectable pression qui monte en vous au fur et à mesure que le morceau fonce inéluctablement dans le mur, quand la réponse, à une telle montée d'adrénaline commençant pied au plancher, ne peut être que physique. Comme on préfère laisser la rubrique fait divers au batteur, la seule solution est de remettre ce morceau, ce disque, encore et encore, jusqu'à épuisement. C'est pas prêt d'arriver.

SKX (06/07/2010)